7/3/08

Mugabe ou comment s'en débarrasser
ZIMBABWE - 29 juin 2008 - par CHRISTOPHE BOISBOUVIER POUR J.A

Le refus du chef de l'État de reconnaître les résultats de la présidentielle du 29 mars a ouvert une crise dramatique dont il faudra bien sortir un jour. Quatre scénarios sont envisageables.

1. Robert Mugabe détruit l'opposition

Pour les faucons du régime, c'est le scénario idéal. Il y a un précédent. Dans les années 1980, la Zimbabwe African National Union (Zanu), le parti de Robert Mugabe, était déjà confrontée à l'opposition très structurée de la Zimbabwe African People's Union (Zapu), que dirigeait Joshua Nkomo. Pour en venir à bout, Mugabe, qui n'était encore que Premier ministre, avait lâché sur ses ennemis sa fameuse 5e Brigade, une force spéciale formée par des instructeurs nord-coréens. Bilan : au moins dix mille morts entre 1983 et 1987. En 1987, la Zapu, exsangue, a accepté de fusionner avec la Zanu, qui a pris le nom de Zimbabwe African National Union-Patriotic Front (Zanu-PF).
Aujourd'hui, les durs rêvent de rééditer l'opération. Dans un tel scénario, la répression contre les militants du Movement for Democratic Change (MDC) de Morgan Tsvangirai continue, voire s'amplifie. C'est la politique de la terreur. Objectif : casser le soutien populaire dont bénéficie le MDC, puis négocier avec celui-ci sur la même base qu'avec la Zanu. Ce qui se traduit par l'absorption du MDC dans la Zanu-PF, quitte à faire entrer Tsvangirai au gouvernement. En 1988, Nkomo avait obtenu une vice-présidence honorifique en échange de la disparition de la Zapu.
Pour que ce scénario se réalise, il faut que la Communauté pour le développement de l'Afrique australe (SADC), et tout particulièrement l'Afrique du Sud, ne bronche pas. Dans les années 1980, c'était la guerre froide ; Internet et les téléphones portables n'existaient pas. Mugabe avait eu carte blanche pour massacrer dix mille hommes, femmes et enfants, dans le Matabeleland. Aujourd'hui, il ne peut engager ses troupes dans une répression aussi féroce sans prendre le risque d'être soumis à un embargo pétrolier par l'Afrique du Sud, voire d'être chassé du pouvoir par une force multinationale.

2. Il négocie un accord « à la kényane »

C'est le scénario du médiateur Thabo Mbeki : comme au Kenya, le sortant reste président et le chef de l'opposition devient Premier ministre. Puis un « gouvernement de grande coalition » rétablit les institutions en vue de la tenue d'élections réellement libres. Mugabe n'est certes pas homme à partager le pouvoir, mais il pourrait accepter ce schéma pourvu qu'il lui permette de conserver son fauteuil pendant encore cinq ans. En revanche, Tsvangirai y est résolument hostile. Il n'accepte de cohabiter avec la Zanu-PF que pendant une brève période de transition, le temps de refaire les élections. Ce qui n'est pas la solution retenue au Kenya.
Pourtant, ce scénario n'est pas irréaliste. L'Afrique du Sud va continuer de le promouvoir. Nombre d'autres pays africains aussi. Les grandes indignations passées, l'Europe et l'Amérique du Nord risquent de sombrer dans la torpeur estivale. Bref, d'ici à quelques semaines, la communauté internationale pourrait bien conseiller à Tsvangirai d'accepter ce qu'il considère comme un marché de dupes.

3. Il remet son mandat en jeu

Au sein du régime, et notamment de la Zanu-PF, plusieurs partisans de Mugabe seraient prêts à négocier un vrai accord politique avec Tsvangirai. En échange d'une immunité judiciaire. Dans ce scénario, Mugabe reste président mais le Premier ministre Tsvangirai assure une transition très courte jusqu'à de nouvelles élections libres et transparentes.
Le chef de l'opposition zimbab­wéenne ne le dit pas ouvertement, mais il pourrait accepter une telle solution. Mais le vieux Mugabe y sera très certainement hostile : pas question pour lui de subir le sort du Béninois Mathieu Kérékou, qui perdit la présidentielle de 1991 après un an de cohabitation avec Nicéphore Soglo, le Premier ministre de transition.
En fait, pour que ce scénario improbable se réalise, il faudrait que les pays d'Afrique australe se réveillent, déclarent illégitime la réélection de Mugabe et suspendent la participation du Zimbabwe à la SADC. « Bien sûr, Mugabe ne perdrait pas le pouvoir et ne verrait pas des paras débarquer à Harare. Mais il perdrait tout de même une partie de sa légitimité, dans la mesure où il lui serait impossible de justifier sa politique par la nécessité de lutter contre le complot impérialiste. Il serait donc obligé de négocier », analyse le chercheur français Daniel Compagnon, professeur à Sciences-Po Bordeaux.

4. Il accepte de s'en aller

Évidemment, ce scénario est très peu crédible. « Seul Dieu peut me reprendre le pouvoir qu'il m'a donné », a lancé le père de l'indépendance pendant sa dernière campagne électorale. Surtout, à en juger par la féroce répression qu'elles ont menée contre le MDC, l'armée et la police semblent totalement solidaires du vieux chef. Le 10 mars, le général Constantine Chiwenga, chef des armées, a même menacé de renverser le régime si Robert Mugabe n'était pas réélu !
Pourtant, certains à Harare veulent croire que Mugabe, 84 ans, prépare sa sortie. Selon les uns, il pourrait être tenté de prendre tout le monde à contre-pied en tirant, dès maintenant, sa révérence. Selon d'autres, il pourrait organiser, l'an prochain, un congrès de la Zanu-PF et annoncer à cette occasion son retrait au profit d'Emmerson Mnangagwa, son vieux compagnon de parti.
« C'est trop beau pour être vrai », estiment de nombreux Zimbab­wéens. Reste une inconnue : l'armée. Quelques semaines avant le premier tour, le régime a fortement réévalué le salaire moyen des militaires, passé de 300 millions à 1,3 milliard de dollars zimbabwéens - ce qui, compte tenu de la folle inflation, ne représente que… 28 euros ! Si les sanctions internationales se durcissent, si les États-Unis et l'Union européenne pénalisent les sociétés qui achètent le minerai zimbabwéen, le pays s'enfoncera un peu plus dans la crise. Combien de temps Mugabe pourra-t-il alors continuer de payer ses militaires et ses « vétérans » ?






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Jean-Louis Kayitenkore
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