9/7/08

Probo Koala: une affaire qui sent mauvais à deux mois des élections

Le 20 août 2006, les habitants d'Akouedo, un quartier populaire d'Abidjan, ont commencé à souffrir de maux de tête, de diarrhées, de vomissements. Dans un premier temps, habitués à vivre aux abords d'une décharge ouverte depuis l'indépendance, ils ne s'inquiétèrent pas outre mesure de ces symptômes. Mais lorsque les nausées s'aggravèrent, que des vieux et des enfants moururent sans raison, et surtout que des symptômes comparables apparurent dans des quartiers voisins, la panique gagna Abidjan, où d'aucuns, en ces temps politiques troublés, dénoncèrent même une « attache chimique »…Il apparut ensuite que pas moins de quinze sites à travers la ville avaient été contaminés : chaque matin, les riverains de la lagune Ebrié découvraient de nouvelles « poubelles sauvages ». En quelques jours, on devait déplorer 16 morts tandis que 100.000 personnes étaient envoyées d'urgence dans les hôpitaux et cliniques de la ville. 
Une enquête rondement menée devait désigner le coupable : la société hollandaise Trafigura Beheer, qui avait affrété, au départ de l'Europe le Probo Koala, un navire grec battant pavillon panaméen. Le bateau était chargé de 400 tonnes de « slops », des résidus pétroliers recueillis dans les cales des navires, qui contiennent entre autres du sulfure d'aluminium et sont tellement toxiques qu'ils doivent impérativement être traités avant d'être déversés dans la nature. C'est le 17 août que la société Trafigura était entrée en contact avec un cosignataire ivoirien, la société Waibs, pour qu'elle passe un contrat avec une entreprise du port autonome d'Abidjan, capable de vider le navire et de se débarrasser des déchets. La société Tommy, récemment constituée et qui venait d'être agréée comme spécialiste en vidange, entretien et soutage de navires emporta le marché, au grand dam de la société concurrente qui jusque là détenait le monopole en la matière.
Ayant obtenu l'agrément du ministère des Transports pour utiliser les installations portuaires et l'autorisation de déverser le « slop » dans le village d'Akouedo, la société Tommy affréta, le 19 août, 17 camions citernes qui firent la navette entre le Probo Koala et une dizaine de sites.
Dès le 20 août, alors que le Probo Koala avait déjà levé l'ancre et quitté les eaux ivoiriennes, les habitants d'Adidjan ressentirent les premiers symptômes d'intoxication. Il fallut attendre plusieurs jours pour que les laboratoires décèlent la cause des malaises : des émanations, à l'odeur un supportable, d'un mélange à base de pétrole contenant de la soude caustique et du mercure. Le 5 septembre, le gouvernement du Premier Ministre Charles Konan Banny démissionna en guise de protestation.
Par la suite, les enquêtes devaient mettre en cause la société Trafigura, ainsi que des complicités locales au niveau des douanes, du port d'Abidjan, du ministère des Transports, l'opposition accusant des proches du président Gbagbo de corruption.
L'enquête devait faire apparaître que les chauffeurs des camions citernes, peut-être incommodés eux mêmes par les émanations, auraient abandonné une partie de leur chargement en cours de route, contaminant plusieurs quartiers de la capitale ivoirienne avant même d'arriver à la décharge.
Deux années plus tard, alors que la Côte d'Ivoire prépare les élections présidentielles prévues pour la fin de l'année, l'affaire du Probo Koala rebondit, réveillant passions et inquiétudes. En effet un expert envoyé par les Nations unies, Okecukwu Ibeanu, a déclaré au terme d'une mission sur le terrain que « le site n'avait pas été décontaminé et qu'il continuait à représenter un danger pour la santé de milliers de personnes ».
Mais surtout, après avoir interrogé les habitants d'Akouedo, le quartier voisin du site d'enfouissement des déchets, le rapporteur onusien a déclaré que « les victimes n'avaient toujours pas été indemnisées, et souffraient toujours des effets de la contamination, maux de tête, courbatures, nausées. »
Ces révélations ont d'autant plus indigné les Ivoiriens que la société néerlandaise Trafigura, soucieuse de sa réputation, avait très vite libéré des indemnités colossales, 198 millions de dollars, afin d'éteindre le scandale, d'éviter des procès plus coûteux encore et d'obtenir la libération de deux de ses dirigeants, placés en détention à Abidjan.
Le rapporteur onusien a recommandé au gouvernement d'ouvrir des unités médicales spécialisées à l'intention des victimes et d'ouvrir des sites sécurisés afin d'éviter une réédition de la tragédie.
A l'heure actuelle en effet, non seulement les victimes n'ont pas été indemnisées, mais d'autres déversages se poursuivent dans la décharge d'Akouedo, une immense poubelle à ciel ouvert au milieu d'un quartier populaire. Alors que les élections présidentielles sont prévues début décembre, les émanations pourraient cette fois incommoder la classe politique.





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Jean-Louis Kayitenkore
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