9/16/08

Un domaine spolié à une famille juive ressurgit lors d'un procès

Le domaine de l'Ecluse, à Salbris (DR).

Pour contester l'intérêt à agir de riverains s'opposant à un projet immobilier de la commune de Salbris, dans le Loir-et-Cher, l'avocat de la ville a soutenu devant le tribunal d'Orléans que leur propriété avait été spoliée à une famille juive sous l'Occupation. Les Akar, « propriétaires légitimes », affirment avoir découvert l'existence de ce bien suite à ce procès et demandent maintenant réparation. 

L'affaire au départ était plutôt ordinaire  : un projet d'implantation d'entrepôts se heurte au mécontentement de riverains. Redoutant des nuisances, ces derniers engagent des recours contre la déclaration d'utilité publique et le permis de construire. Mais l'histoire se corse le jour où l'avocat de la mairie, maître Mialot, remet en cause la qualité de propriétaire d'un des requérants  : les héritiers de Fernand Plée qui avait acquis le domaine sous l'Occupation. 

Le bien en question, une propriété de huit cents hectares appelée le « Domaine de l'Ecluse », aurait été, selon lui, spolié à une famille juive, les Akar. Maître Mialot explique comment il a fait cette découverte  :


L'avocat de la ville de Salbris soutient que ce domaine a été acheté en 1936 par Emile Akar, qui s'est ensuite réfugié en zone libre pendant la guerre. En 1941, un administrateur aurait été nommé par le commissariat aux Questions juives pour gérer le domaine en lieu et place du propriétaire. La vente à Fernand Plée aurait été finalisée en 1944.

Au cours du procès devant le tribunal administratif, l'avocat de la ville a mis en avant l'argument de la spoliation pour contester l'intérêt à agir et donc la recevabilité du recours des requérants  :


Cependant, le tribunal d'Orléans a rejeté, en juillet, les recours contre la déclaration d'intérêt public, sans se prononcer sur cette question. Pourtant, pour maître Mialot, cet argument semble avoir « inversé la religion du tribunal »  :

« A la première audience, le commissaire du gouvernement, dans ses conclusions, a affirmé que la déclaration d'utilité publique devait être annulée car elle était illégale en deux points. Entre temps, on a fourni des éléments liés au défaut d'intérêt à agir, c'est à dire la spoliation. Et au cours de la seconde audience, il s'est trouvé qu'il n'y avait plus d'illégalité à reprocher à l'acte qui était attaqué !  »

Pas une seule contestation en soixante-sept ans 

Quant-à l'avocat des héritiers de Fernand Plée, il soutient « que le domaine n'a pas été spolié »  :

« En 1938, cette propriété avait été mise en vente par Emile Akar, décédé en 1940. Fernand Plée a acheté ce domaine à la femme d'Emile Akar, l'acte de vente a été signé en 1941. Si son consentement n'avait pas été libre et éclairé au moment de la vente, elle aurait cherché à récupérer ce bien après la guerre, or elle ne l'a pas fait. Pendant soixante-sept ans, il n'y a jamais eu une seule contestation. Mes clients sont choqués et estiment que l'honneur de leur grand-père est bafoué. »

Paul Akar, descendant d'Emile, conteste cette version  :

« Je crois que la femme d'Emile Akar, ma grand-tante, n'a jamais eu connaissance de ce bien. En tout cas, elle ne nous en a jamais parlé. Ils étaient mariés sous le régime de séparation de biens et s'entendaient très mal. Je pense même qu'ils avaient divorcé, elle n'aurait donc pas hérité de ce bien. A la mort de ma grand-tante en 1979, le membre de notre famille qui s'est occupé de sa succession n'a pas évoqué l'existence de cette propriété. De toute façon, étant juive, elle ne pouvait plus disposer de ses biens pendant la guerre. Alors, même si elle avait hérité du « Domaine de l'Ecluse », elle aurait été dans ce cas contrainte de le vendre. »

« La requête auprès de la commission Mattéoli n'avait pas abouti »

Jean-François Akar, autre descendant, affirme que sa famille n'avait jamais entendu parler du « Domaine de  l'Ecluse » avant ce procès  :

« Nous étions vaguement au courant qu'un grand-oncle avait eu une propriété en Sologne, mais nous ne savions pas ce qu'elle était devenue ni où elle se situait exactement. Nous avions constitué en 1999 un dossier auprès de la commission d'indemnisation Mattéoli pour essayer de retrouver les biens de nos ancêtres, mais la requête n'avait pas abouti. C'est l'avocat de la mairie de Salbris qui nous a contactés. C'est à ce moment que j'ai entendu parler pour la première fois du Domaine de l'Ecluse. »

Il confie sa réaction suite à la découverte de l'affaire  :



Pour l'instant les héritiers de Fernand Plée n'ont toujours pas fait appel. « La famille Akar interviendra spontanément dans la procédure devant le tribunal administratif, aux côtés de la commune, s'il y a appel », explique Paul Akar. Il se justifie  :

« C'est important que le projet de la mairie aboutisse, car il va créer de nombreux emplois. En parallèle, nous réfléchissons à une éventuelle action devant le tribunal de grande instance pour que la justice tranche la question de la propriété.

Les héritiers de Fernand Plée sont   »sereins », selon maître Guinot  :

« La commune de Salbris, en mettant en avant l'argument de la spoliation ne vise qu'à détourner l'attention des questions de fond, c'est-à-dire du fait que mes clients contestent les nuisances qui pourraient découler de l'implantation de la plate-forme logistique. »

Cette affaire permet d'ouvrir le débat sur la restitution des biens juifs spoliés au cours de la seconde guerre mondiale. Des structures ont été mises en place, comme la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations. « Mais l'Etat n'a surtout pas voulu troubler la paix des familles en allant rechercher systématiquement les biens pour les rendre à ceux qui avaient été spoliés », conclut maître Mialot




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Jean-Louis Kayitenkore
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