11/16/08


 



« Qui nous séparera de l'amour du Christ ? » (Rm 8, 35).

Message de Mgr Faustin NGABU, Évêque de Goma face aux derniers
événements à l'Est de la RDC

1. Bref Panorama de la dernière situation

Depuis des mois, la situation humanitaire de l'Est du pays n'a cessé
de s'empirer et de tirer la sonnette d'alarme à cause des
affrontements atroces qui ont opposé les troupes FARDC et celles du
CNDP de Laurent Nkunda. Depuis fin Août 2008 la recrudescence de ces
affrontements a augmenté le nombre des déplacés sur toute l'étendue de
notre Diocèse, intensifiant ainsi les misères d'hommes et des femmes,
plus nombreux sur les routes et dans des camps des déplacés où
évidemment les conditions de vie de ces personnes deviennent
insupportables.

Le début de la semaine du 25 octobre 2008 a vu un revirement presque
inattendu de la situation avec des combats qui ont conduit à la prise
de Rutshuru et à l'avancée sur Goma. Le présage de cette situation
était déjà sensible et manifeste par des vagues des déplacements des
familles entières vers le Rwanda, d'autres vers Bukavu, Kinshasa et
ailleurs vidant ainsi la ville de Goma d'un bon nombre de ses habitants.

Cette nouvelle situation a paniqué totalement la ville de Goma qui a
vu comme en rêve le pillage systématique des biens de la population
(véhicules, motos, effets divers pris des magasins et boutiques),
massacres forfaitaires des innocents et viols impitoyables des femmes.
Aujourd'hui
plusieurs familles sont obligées de vivre dans une pauvreté totale
alors que leurs petites activités leur permettaient de survivre, de
scolariser leurs enfants et de se faire soigner.

Ceux qui étaient à Goma et dans ses environs l'après midi du mercredi
29 octobre 2008 savent que la ville était invivable avec des tirs et
des coups de canon de tous côtés. Cette nuit là était certainement une
des plus longues pour plusieurs. Tout compte fait, ce jour inoubliable
aura laissé dans les esprits de Goma peur, panique, silence
monastique, traumatisme, deuil, confusion, incertitude, manque de
confiance dans sa propre armée nationale, sentiment de déception et
d'abandon par le pouvoir.

2. Conséquences :

Les conséquences de cette situation sont difficiles à évaluer tant les
dégâts sont indescriptibles et pas toujours connus, dégâts matériels,
humains et psychologiques :
- le nombre des vulnérables s'est augmenté surtout que beaucoup de
gens en ville vivent du jour au lendemain et ne font pas de stocks des
vivres ;
- les marchés ne fonctionnent que froidement, surtout que les vivres
et marchandises viennent de l'axe Rutshuru et Masisi. Ce qui entraîne
l'assèchement des denrées alimentaires sur le marché local avec comme
corollaire la flambée des prix;
- les établissements de soins presque fermés, surtout que les médecins
et infirmiers étaient en grève depuis quelques semaines et certaines
pharmacies vidées : ce qui entraîne la hausse incontrôlée des prix des
médicaments et le croupissement des personnes malades et vulnérables
dans leurs domiciles;
- Certaines familles continuent d'accueillir des dizaines des déplacés
sans avoir de quoi les nourrir et les prendre en charge. Nous
saisissons cette occasion pour remercier de tout cœur ces familles
d'accueil pour leur marque de charité et de générosité en faveur des
sans abris : j'étais nu, malade, affamé, assoiffé et même déplacé et
réfugié…, et vous êtes venus à mon secours, et vous m'avez accueilli
et assisté (cf. Mt 25,34ss).

3. Au vu de ce qui précède, le travail à faire dans l'immédiat est non
seulement de venir en aide aux déplacés nombreux qui sont sur les
routes et dans les camps, mais aussi des gens qui pendant toute une
semaine se sont enfermés dans leurs propres maisons par peur des
exactions, des surprises et de l'inconnu. Ceux qui ne sont plus dans
des camps détruits ou abandonnés attendent aussi d'être assistés
dans leurs villages et les quartiers en ville même. Nous demandons à
notre Caritas diocésaine et à ses partenaires de doubler les efforts,
comme par le passé et lors des grandes urgences, pour assister tous
les vulnérables qui sont devenus plus nombreux même en ville.

4. Choqué par cette situation alarmante et compte tenu des
conséquences néfastes qu'elle présente, nous adressons d'un cœur
paternel et compatissant, ce message d'encouragement, de foi et
d'espérance aux familles éprouvées, dépouillées, sinistrées,
traumatisées et endeuillées par ces événements atroces. En effet, «
qui nous séparera de l'amour du Christ ?... La tribulation,
l'angoisse, la persécution, la faim, la nudité, le péril, le glaive ?
Oui j'en ai l'assurance, ni mort, ni vie … ni aucune autre créature ne
pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ notre
Seigneur » (Rm 8,35-39).

Nous regrettons et condamnons avec force les comportements
irrespectueux contre la dignité de la femme qui manifeste de plus en
plus une culture honteuse qui s'insinue malheureusement dans notre
société. On se demande vraiment d'où vient cette malheureuse habitude
de violer et des violenter nos sœurs, nos mères. D'où vient cette
intuition malsaine qui ne pense qu'à vider les maisons, les magasins
et boutiques d'autrui, à paupériser les voisins, à s'enrichir sans
travailler ? Pourquoi cette mentalité de
massacrer à vil prix nos propres frères en se moquant de la vie des
autres ? Nous regrettons et condamnons avec la dernière énergie
l'impunité qui favorise ces faits et la corruption qui les cautionne.

5. Aux acteurs de la situation actuelle

Nous demandons de tout faire pour mettre en œuvre toutes les voies
possibles pour arriver à une solution pacifique. Nous estimons que
toutes les rencontres qui se font à tous les niveaux (local, régional,
international) pour trouver une solution à cette longue crise, se
fassent dans la vérité, l'objectivité, la sincérité et la prise en
compte de tous les contours de la question à la base de la crise.

Le mensonge et la complaisance n'ont jamais donné des solutions
véritables et durables aux problèmes. Personne ne l'ignore, le
contexte socio politique actuel est une continuité des événements qui
n'ont jamais bénéficié d'une attention décisive pour résoudre les crises.
Nous le répétons, comme par le passé, que la guerre n'est pas et ne
sera jamais la voie pour la paix. Dans sa doctrine sociale, « le
Magistère de l'Eglise condamne la barbarie de la guerre et demande
qu'elle soit considérée avec une approche complètement nouvelle. De
fait il devient humainement impossible de penser que la guerre soit en
notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir la justice.

La guerre est un fléau et ne constitue jamais un moyen approprié pour
résoudre les problèmes qui surgissent entre les nations: elle n'a
jamais été et ne le sera jamais car elle engendre des conflits
nouveaux et plus complexes. Quand elle éclate, la guerre devient un
massacre inutile, une aventure sans retour, qui compromet le présent
et met en danger l'avenir de l'humanité : avec la paix, rien n'est
perdu ; mais tout peut l'être par la guerre. Les dommages causés par
un conflit armé ne sont pas seulement matériels, mais aussi moraux. La
guerre, en définitive, est la faillite de tout humanisme authentique,
elle est toujours une défaite de l'humanité. Jamais plus jamais les
uns contre les autres, jamais, plus jamais ! (…) jamais plus la
guerre, jamais plus la guerre ». (Conseil Pontifical Justice et Paix,
Compendium de la Doctrine sociale de l'Eglise,
Bayard-Cerf-Flerus.Mame, Paris 2005, n° 497.

6. Nous prions spécialement pour tous ceux qui ont des projets
macabres - qui qu'ils soient - d'ôter la vie des civils innocents, de
se convertir et de croire dans l'Amour que Dieu a eu pour nous les
hommes, ennemis que nous étions : « aimez vos ennemis et faites du
bien à ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 44).

Nous déplorons aussi que les moyens de communication qui sont un grand
instrument de communication et de développement deviennent pour
certains de nos frères et sœurs, des lieux de mensonge et de diffusion
de la division et de la haine. N'acceptons pas d'être induits en
erreur par des programmes haineux distribués par ces moyens de
communication (radios et Internet) et vainquons le mensonge par un
discours de vérité : à un moment délicat comme celui que nous
traversons, la tendance est toujours celle de nous accuser les uns et
les autres. Et pourtant c'est le moment où plus que jamais nous sommes
invités à l'unité, à la communion et à l'amour.

7. A tous les chrétiens et aux hommes de bonne volonté,

Nous invitons tous les chrétiens et les hommes de bonne volonté à
prier sans cesse. Nous remercions le Saint Père Benoît XVI qui a
manifesté, il n'y a pas longtemps, sa proximité spirituelle à tous les
hommes et femmes de notre région en situation difficile. La peur ne
peut être vaincue que par la confiance en Dieu qui seul nous fait vivre.
Nous demandons à toutes les paroisses d'organiser des messes avec
intention spéciale pour prier pour toutes les victimes des dernières
atrocités. C'est le moment où notre pensée va tout droit et de façon
particulière à la population de Rutshuru et ses environs qui traverse
des moments difficiles.
Notre souhait est que les affrontements qui s'y déroulent encore
puissent immédiatement s'arrêter. Dieu seul sait combien d'hommes et
de femmes continuent à perdre leur
vie. Que leurs âmes reposent en paix. Que Dieu Notre Père étende sa
Miséricorde sur son Peuple en souffrance et que la Vierge Marie, Reine
de la Paix intercède pour nous.

Fait à Goma le 06 Novembre 2008

Faustin Ngabu, évêque

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Jean-Louis Kayitenkore
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