La chute des prix du brut pousse la Russie à se rapprocher de
l'Organisation des pays exportateurs de pétrole
Russie-OPEP, même combat ? Ces dernières semaines, la chute des prix du baril, tombé autour de 50 dollars, a entraîné un resserrement des liens entre Moscou et l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Les Russes semblent considérer qu'il n'y a jamais eu une telle communauté d'intérêts avec le cartel - même s'ils n'ont aucune intention de soumettre leurs exportations à de quelconques quotas. Le ministre de l'énergie a pourtant affirmé, mardi 25 novembre, que son pays n'exclut pas de pomper moins d'or noir pour soutenir les prix. "L'OPEP examine des mesures destinées à protéger le marché du pétrole, a indiqué Sergei Shmatko. La Russie se coordonnera avec elle pour défendre ses intérêts et élaborer des mesures de sauvegarde."
Le président de l'OPEP appelle à un effort de la Russie. "Il n'y a pas que l'OPEP", rappelait récemment l'Algérien Chakib Khelil, estimant que les Norvégiens, les Mexicains et surtout les Russes doivent partager les sacrifices quand il faut resserrer le robinet. L'OPEP représente 42 % de la production mondiale et les géants russes (Rosneft, Loukoil, Gazprom-Neft, TNK-BP...) 12,5 %, plaçant la Russie au deuxième rang des pays producteurs, au coude-à-coude avec l'Arabie saoudite.
STRATÉGIE GLOBALE DE LA FÉDÉRATION
"La concurrence entre ces deux pays pour le leadership sur le marché pétrolier s'est accrue ces derniers temps. Les Saoudiens ne veulent pas être seuls à supporter le fardeau de la baisse de production", analyse l'un des meilleurs experts pétroliers français. "Au sein de l'OPEP, ajoute-t-il, certains voient d'un très mauvais oeil la Russie s'installer dans le rôle de passager clandestin. La question russe sera centrale dans les débats futurs de l'OPEP."
Les hydrocarbures sont des ressources vitales pour le développement de l'économie russe. Inquiet de la chute des cours, Vladimir Poutine vient de rappeler que son pays est "un des plus grands exportateurs et producteurs de pétrole et de produits pétroliers" et qu'"il ne peut pas rester à l'écart de la formation des prix". Le premier ministre a ajouté qu'il faut "élaborer toute une série de mesures qui nous permettront d'agir activement sur la conjoncture du marché". A l'intérieur, avec la récente décision de réduire fortement les taxes à l'exportation pour soutenir les groupes nationaux, mais aussi à l'extérieur.
Depuis des années, la Russie assiste en observateur aux réunions de l'OPEP, mais elle n'a jamais transigé sur un principe : rester maître de sa production. Si Moscou accompagnait une baisse de l'OPEP, ce serait de son plein gré. En visite au Venezuela avec le président Dmitri Medvedev, jeudi, le vice-premier ministre, Igor Setchine, qui est aussi président de Rosneft, a annoncé que son pays soumettra un projet de coopération avec l'OPEP en décembre, à la réunion d'Oran. Ce "mémorandum" prévoira-t-il plus que des échanges sur la sécurité énergétique, la recherche ou des échanges d'informations sur les marchés ?
Ce rapprochement Russie-OPEP s'inscrit dans le cadre d'une stratégie plus globale de la Fédération. Les accords pétroliers s'accompagnent souvent d'offres de coopération dans le nucléaire civil avec des pays (Libye, Iran, Venezuela...) et de livraisons d'armes. Il s'agit de faire pièce, partout, à l'influence des Etats-Unis. Et l'énergie est devenue une arme entre les mains du Kremlin depuis l'accession de M. Poutine au sommet de l'Etat en 2000.
Source: Jean-Michel Bezat, http://www.lemonde.fr
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