11/22/08

Source: Koen Vidal et Bart Eeckhout, Journal "De Morgen"  (traduction E.K.)

Ministre des affaires étrangères (Open VLD) réagit à la démarche de Charles Michel

« Parler avec Kabila ne nous apporte rien, nada » (N.B. Nada = « rien » en Espagnol)

 

Karel De Gucht en a assez des immixtions de ses collègues dans sa politique congolaise.Il s'en prend plus particulièrement au père et fils Michel, le premier comme commissaire européen et le deuxième comme ministre de la coopération au développement. « Si Louis Michel dit que sa méthode donne plus de fruits, je pose la simple question : quels fruits ? »

   

BRUXELLES. Karel De Gucht est sur la sellette, et celui qui connaît un peu le ministre des affaires étrangères, sait qu'il n'aime pas s'y trouver. Les semaines écoulées il fut pris en étau par Charles et Louis Michel, qui dessinent leur propre politique congolaise à eux.  Que de telles ambitions sont encore louées par la presse, c'en est trop pour De Gucht.

 

Karel De Gucht : « Que Charles Michel a eu une attitude déloyale, je n'ai même pas besoin de l'argumenter. On pourrait appeler cela une collision d'égo ou de vision, mais ceci n'est intéressant que dans la mesure où c'est politiquement important.  Si mon prédécesseur Louis Michel dit que sa méthode produit plus de fruits, je pose la simple question : quels fruits ? Si la situation actuelle au Congo est le fruit  de la politique-Michel, cela peut compter. La situation n'a jamais été aussi navrant qu'aujourd'hui., depuis l'accord de Sun City en 2002 » (accord qui mit fin à la deuxième guerre congolaise, réd.)

 

Une raison de plus pour faire tous les efforts possibles pour négocier avec les autres au Congo

 

De Gucht : « Selon le père et le fils Michel on obtient le plus grand effet si on continue à parler de façon confidentielle avec Kabila et les dirigeants au Congo. Si cette approche avait effectivement donné un résultat, j'aurais été le premier à suivre également cette approche. Seulement, je ne vois aucune conséquence positive.

 

Ceci n'est pour moi pas une question caractérielle. J'ai aussi parlé avec le Président Kabila environ sept fois de face à face. La différence est qu'à aucun moment j'ai eu l'impression que ceci rapportait quelque chose. Si vous allez parler avec le président Kabila ou pas, il ne change jamais rien. C'est la raison pour laquelle en avril, avec l'approbation de l'entièreté du gouvernement, j'ai tenu un discours dur dans le jardin de l'ambassade belge à Kinshasa.

 

Nous avons investi avec la Belgique 40 millions d'EURO dans la formation de l'armée. Ceci s'est bien passé, jusqu'au moment où les militaires devaient aller au front et ont été laissés à leur sort. L'argent de la solde qui part à Kinshasa, n'arrive pas ou peu au  niveau des soldats ordinaires. Le Président Kabila est dans l'entre-temps président depuis six ans et rien n'avance.

 

Je veux encore accepter que le président ait un problème « personnel » avec moi. Mais quel est le résultat que peuvent présenter ceux qui ont été reçus chez lui ? Nada, rien, nul ! Charles Michel a reçu en courrier confidentiel et fermé une enveloppe pour le premier Leterme. On n'a pas besoin d'un entretien pour cela, on peut tout aussi bien l'envoyer par valise diplomatique.

 

« Karel De Gucht ne peut pas jouer un rôle dans la solution du conflit dans l'Est du Congo » disait Charles Michel dans notre journal

 

C'est pourquoi je l'appelle déloyal. Mais cela ne change rien à la distribution des tâches. Jusqu'à nouvel ordre c'est moi qui dirige les affaires étrangères. Aussi pour le Congo. Le problème d'un ministre déloyal est le problème de son premier ministre.

 

On n'a pas encore entendu Yves Leterme

 

«Pas de commentaire »

 

Donc Charles Michel peut continuer à vous contredire ?

 

Je parle encore toujours au nom du gouvernement. Notre expertise sur le Congo est toujours entendue et valorisée, jusqu'aux plus hautes régions des Nations Unies. Et pas parce qu'ils m'aimeraient. Au conseil des ministres européen j'ai donné une analyse sur la situation au Congo et là on m'a totalement soutenu. Le premier qui me donna raison fut d'ailleurs le commissaire européen Louis Michel. IL  y a donc une petite distance entre son positionnement international et son positionnement interne. Bizarre, non ? (petit sourire)

 

Charles Michel aussi dit qu'il parle au nom du gouvernement

 

Au moins il ne parle pas en mon nom ni au nom du VLD, donc pas au nom du gouvernement. Il joue en solo et ce n'est pas très malin dans un gouvernement de coalition. Il ne s'agit pour moi pas de personnes ou de symboles. Je constate seulement que son attitude n'est pas seulement déloyale mais surtout inefficace.

 

Le résultat est que la Belgique n'arrive même plus au niveau de la table de négociations. A Nairobi, pendant la récente rencontre entre Kabila et Kagame, tous les acteurs internationaux eurent un ministre autour de la table – nous n'avions qu'un diplomate.

 

J'étais invité à Nairobi et je suis aller parler de cela en avance avec Kagame. Nous avons envoyé un de nos meilleurs diplomates, d'autant plus qu'on s'était convenu que seuls les membres permanents du conseil se la sécurité pouvaient intervenir de façon efficace. Je craignais aussi que Nairobi n'allait pas donner grande chose, ce qui a été prouvé dans l'entretemps.

 

Vous êtes allé chez Kagame, mais chez Kabila vous n'étiez pas le bienvenu. Ainsi les négociations deviennent impossibles

 

J'ai offert aux autorités congolaises de leur faire rapport, à Kinshasa, de ma visite à Kigali. On n'était pas intéressé. Bon, si c'est comme ça je n'y vais pas. Si tu n'es pas le bienvenu, tu n'y vas pas. D'ailleurs j'ai vu à Kigali mes collègues David Miliband et Bernard Kouchner. Ils venaient de chez Kabila et ils m'ont dit que son point de vue n'avait pas changé d'un millimètre. Voilà.

 

Est-ce possible qu'un nombre de personnes dans le gouvernement voulut élargir leur terrain de pouvoir en prenant avantage de l'affaiblissement de votre position  après l'affaire des actions Fortis ?

 

Charles Michel voit dans tout ceci avant tout une bonne publicité pour lui-même, surtout chez le public wallon. On essaie toujours de nous faire avaler l'image que le Wallon ordinaire a une autre position que le Flamand ordinaire, comme s'il s'agissait de deux peuples différents. C'est complètement idiot. Si on organisait un sondage sur la politique congolaise, on verrait que les Flamands et les Francophones pensent la même chose.

 

Si le pays voisin l'Angola se jetait dans la bataille, ce serait sur demande du Congo. N'est-il ainsi pas dangereux de coincer Kabila ?

 

Kinshasa connaît très bien notre position à ce sujet. Si Kabila un jour demandait publiquement un soutien à l'Angola, notre gouvernement doit s'y opposer dans les termes les plus explicites. Nous ne pouvons en aucun cas courir le risque d'une nouvelle guerre régionale en Afrique Centrale. Et non, je ne suis pas prêt à courir derrière n'importe quel point de vue de Kabila, uniquement pour créer l'illusion que nous sommes en bons termes de dialogue avec lui.

 

Pensez-vous que vous pourrez encore voyager au Congo pendant cette législature-ci ?

 

La question c'est de savoir dans quelle mesure il est utile de voyager au Congo. Un certain nombre de politiciens est tellement attiré par les salons de Kinshasa qu'ils ne sont même plus capables de faire une sobre analyse de ce qui se passe dans ce pays. Certaines personnes sont apparemment attirées par l'aura présidentielle.

 

Je ne crois pas qu'on rend service au peuple congolais en donnant toujours raison aux dirigeants congolais. Je ne crois même pas qu'on rendrait un service au président Kabila. Son analyse est fondamentalement erronée. Il n'a pas de scénario pour une solution politique du conflit. Dans le fond il ne croit que dans l'option militaire, mais il n'a même pas une armée. Si je le lui dis, il se fâche contre moi et il commence à parler de l'embargo sur les armes. Cela n'a rien à voir.

 

Je ne me suis jamais mêlé de la politique intérieure congolaise. Comme personne extérieure, et certainement comme ancien colonisateur, il faut faire très attention. Je n'ai jamais été un fan de Kabila, comme l'était mon prédécesseur Louis Michel. Jusqu'au moment où tout à coup il devint fan de Bemba. Ensuite Bemba fut amené devant la Cour Pénale Internationale à La Haye et Louis Michel était de nouveau fan de Kabila. Louis doit arrêter de se mêler de la politique intérieure du Congo et son fils risque de prendre le même chemin. C'est une position fondamentalement erronée.

 

J'ai parlé avec Kabila aussi longtemps qu'il voulut parler avec moi. J'ai aussi parlé avec Bemba. Ce qui n'a pas empêché que la Belgique ait exécuté de la façon la plus neutre qu'il soit le mandat d'arrêt contre Bemba.

 

Cette Cour Pénale de Justice joue aussi aujourd'hui un rôle sur l'arrière-fond

 

L'exemple de Bemba est très palpable pour les belligérants au Congo. Le risque qu'un jour on pourrait se retrouver devant la Cour Pénale Internationale est devenu un facteur important en politique internationale. Regardez Charles Taylor, regardez Hissène Habré. Nkunda aujourd'hui a peur aussi qu'un jour il se retrouvera à La Haye sur accusation de crimes contre l'humanité. C'est un des points desquels il veut coûte que coûte négocier aujourd'hui.

 

Il est nécessaire que les criminels de guerre aient peur et qu'ils réfléchissent deux fois avant de commettre leurs atrocités. Comme politicien, j'adopte cette position en vue du futur., en étant pleinement conscient du fait que demain il y aura peut-être des victimes dans les mains de criminels de guerre auxquels on donne un libre-passer. C'est le choix moral que nous devons faire. Le prix de l'impunité est trop élevé.

 

Si Nkunda doit craindre la CPI , il ne désarmera jamais

 

Une solution politique ne dépend pas seulement de la personne de Nkunda. La première condition est que tu résous le problème des groupes armées du FDLR dans l'Est. Aujourd'hui l'armée congolaise travaille et se bat encore toujours avec le FDLR. Le Rwanda trouve que c'est inacceptable. La population rwandophone de l'Est doit aussi trouver une place dans la constellation politique congolaise. Pas nécessairement en la personne de Nkunda. Après les élections nous avons insisté sur ce point chez Kabila. Avant les élections nous avions insisté sur la création d'une circonscription électorale séparée pour la région rwandophone, pour qu'elle soit assurée d'une représentation.

 

Est-ce qu'on peut bien négocier avec Nkunda ?

 

On a petit à petit toute une armée de négociateurs dans ce conflit, mais je n'ai pas l'impression que ces négociateurs aillent dans la même direction. Il est positif que Obasanjo ait obtenu la garantie des Angolais qu'ils ne vont pas participer aux combats dans l'Est du Congo. Je peux aussi comprendre que Obasanjo ait des conversations avec Nkunda. Mais que Obasanjo fasse après une danse de joie avec Nkunda dépasse ma compréhension.

 

Permis les économes il y a presque un consensus que le Congo est un cas désespéré. C'et précisément la concentration énorme de richesses minières qui fait que le pays sera toujours en proie à la corruption et des guerres civiles

 

Si tu regardes les pays qui réussissent dans leurs efforts de développement, c'est rarement à cause de leurs richesses naturelles mais grâce à leur capacité organisationnelle. Le drame de la richesse congolaise est que chaque congolais en crève.. On puise la force politique de continuer quand même dans le fort contraste entre la terrible misère de la population et l'énergie de vie des Congolais. Parfois il faut se poser la question s'il est utile de continuer à aider les Congolais d'une certaine façon. Est-ce qu'on ne prolonge pas ainsi de façon artificielle la vie de tous ces prédateurs ? C'est la question cruciale avec laquelle tout un chacun est confrontée qui va régulièrement au Congo. Qu'est-ce que je fais ? Et qui dois-je soutenir ?


Source: Koen Vidal et Bart Eeckhout, Journal "De Morgen"  (traduction E.K.)

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