11/18/08

Source: Rue89

De Jimi Hendrix à Barack Obama,

    une Amérique réconciliée


Un supporter de Barack Obama à Tampa, en Floride, en octobre 2008 (Jim Young/Reuters).

(De Seattle) La "Bannière étoilée", l'hymne américain, retentit. Ou plutôt il rugit et prend aux tripes. Jimi Hendrix le transfigure sur sa blanche guitare et le décor de Woodstock s'évanouit dans un fondu au noir. En quinze mètres sur vingt-cinq, et des décibels à l'avenant, l'expérience est formidable et la "Star Spangled Banner" entre dans une nouvelle dimension. C'était en 1969 au plus fort de la guerre du Vietnam. Et c'est à Seattle, ville natale d'Hendrix, dix jours après l'élection d'un Président opposé à la guerre d'Irak.

Bienvenue à l'Eglise du Ciel, écran géant sous nef pourpre, projection de la vision d'Hendrix d'une communion post-moderne et électrique. Un maelström de sept cents guitares engluées vers l'horizon se dresse au cœur de l'édifice. Cette cathédrale laïque fut bâtie par Frank Gehry, en 2000, et à l'initiative de Paul Allen, fondateur avec Bill Gates de Microsoft.

Allen assista en 1968 à un concert de Jimi et, du haut de ses 15 ans, il ne s'en remit jamais. Devenu richissime, il amassa une collection unique de traces d'Hendrix et il en conçut un musée, étendu depuis à la musique populaire et à la science-fiction (Jimi était un fan des films et de la littérature d'anticipation, qui imprègne ses morceaux les plus déjantés).

Le siècle de John Coltrane et Jimi Hendrix

Paul Allen parraine ce soir-là McCoy Tyner, 70 ans bien trempés (Hendrix en aurait eu 66). L'ancien pianiste de Coltrane offre toutes les palettes de son talent et il invite même Marc Ribot à le rejoindre à la guitare, en fusion de jazz et de blues. Tyner a d'ailleurs appelé son dernier disque "Guitars" et, après tout, Hendrix avait osé se lancer discrètement au piano sur "Electric Ladyland". Aux yeux du vénérable Buddy Guy, le siècle passé ne retiendra que John Coltrane et Jimi Hendrix.

Seattle vit naître bébé Hendrix en 1942 et il y vécut deux tiers de sa trop courte vie. Cette ville majoritairement blanche se donna de 1989 à 1996 un maire noir et socialisant. Et c'est là encore qu'en 1999, l'altermondialisme gagna droit de cité en se soulevant contre l'OMC. La "Bannière étoilée" d'Hendrix irradia alors les combats de rue. Obama y a recueilli 71% des voix, presqu'autant que dans son fief de Chicago.

"Notre premier président noir"

Une marche spontanée a sillonné le centre-ville jusqu'à l'aube du 5 novembre. L'hebdomadaire de la communauté asiatique a célébré un Obama en bleu-blanc-rouge, et il a salué la victoire de "notre premier Président noir, notre premier Président d'Hawaï", qui saura "parler pour les immigrés".

Hendrix et Obama ont tant en commun. Face à une société qui tend à les enfermer dans leur case d'Afro-américains, ils se posent en métis d'une Amérique enfin réconciliée avec elle-même. Hendrix a dû s'exiler en Europe et revenir à la tête d'un groupe britannique pour reconquérir son propre pays. Obama, sevré de son père kenyan, s'est formé en Indonésie et à Hawaii, avant d'accéder au club très fermé de Harvard. Profondément patriotes, Hendrix et Obama ont ferraillé contre les racistes et les chauvins, leur déniant le monopole de la fierté d'être Américains.

Barack et Jimi partagent aussi le message de Martin Luther King. Obama se situe dans le prolongement du "rêve" invoqué en 1963 au cœur de Washington. Et, lors de l'assassinat du Docteur King en 1968, Hendrix lui rendit hommage par un concert sans parole, maintenu à Newark malgré les émeutes. Imperturbable face aux provocations, Jimi défendit toujours la vision de "MLK" contre le séparatisme ethnique des Panthères noires.

Hendrix comme Obama adoraient leur grand-mère. Hendrix se ressourçait avec délices à Vancouver auprès de sa "Mamie Nora", petite-fille d'une princesse cherokee, qui supportait ses riffs, stoïque au premier rang des concerts. Et Nora accompagna le cortège funéraire de son petit-fils, trop tôt, trop triste. Obama fut largement élevé à Hawaii par sa grand-mère maternelle, décédée à la veille de son triomphe, dont le dernier geste fut de voter pour le 4 novembre. Transmission, héritage, fidélité.

D'une génération à l'autre

C'est non loin de Seattle qu'est mort le 12 novembre Mitch Mitchell. Le batteur d'Hendrix concluait à Portland une tournée américaine d'hommage à son compagnon de Monterey et de Woodstock, de Maui et de Wight. Jimi s'est envolé en 1970, le bassiste Noël Redding est décédé en 2003 et, avec Mitchell, disparaît le dernier membre de l'Experience. Cet improbable trio anglo-américain a donné au monde "Electric Ladyland", sans doute le plus extraordinaire album de l'histoire du rock.

Mais la musique d'Hendrix s'est désintégrée en millions de particules, d'une génération à l'autre. Une sexagénaire noire l'affirme encore aujourd'hui:

"Sa version de la "Bannière étoilée" m'a permis de réaliser qu'il n'est pas indispensable d'être blanc, mâle et républicain pour être Américain."

Lors de l'investiture du président Obama, le 20 janvier 2009, l'hymne national restera sage et officiel, loin si loin des audaces de Jimi, mais la flamme et la générosité d'Hendrix seront dans bien des cœurs.

Photo: un supporter de Barack Obama à Tampa, en Floride, en octobre 2008 (Jim Young/Reuters).


Source: Rue89

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