10/19/09

Il faut soigner le soldat Dadis

 Guinée - Politique

Moussa Dadis Camara(127)  -journaliste(75)
- Jeune Afrique(36) - Cheikh Yérim Seck(2)


Jeune Afrique | Par : François Soudan
 

Le 17 octobre 2009, Jeune Afrique est entré dans
sa cinquantième année.
Occasion d'un regard rétrospectif sur
un demi-siècle de cheminement commun
entre le continent et votre hebdo, marqué
par autant de passion que de raison,
mais aussi par quelques épisodes tragi-comiques
qui ont vu J.A. aux prises avec des pouvoirs
à la fois tyranniques et ubuesques.

Le dernier en date, qui a pour cadre
la malheureuse Guinée, n'est pas sans
nous rappeler quelques souvenirs : celui
de l'empereur Bokassa, il y a trente ans,
faisant juger par contumace l'un de nos journalistes
pour crime de lèse-majesté, celui aussi
de Sékou Touré condamnant à mort
notre collaborateur Siradiou Diallo.

Cette fois, l'Ubu en uniforme s'appelle Dadis Camara.
Il a, comme chacun le sait depuis le 28 septembre,
pas mal de sang sur les mains.
Il parle de lui à la troisième personne, ce qui
n'a jamais été un signe d'équilibre, et
il entretient avec notre journal, qu'il dit lire
depuis sa prime jeunesse, un rapport
inquiétant fait de désir et de haine.

Deux de nos journalistes pourraient en témoigner.
Cécile Sow tout d'abord, correspondante
de J.A. à Dakar et envoyée spéciale
en juillet à Conakry : reçue après minuit
au camp Alpha-Yaya par un président pieds nus
et en bermuda, attirée dans sa chambre,
importunée, demandée en mariage,
harcelée au téléphone après son retour au Sénégal
par un capitaine tour à tour transi
et menaçant : « Dadis t'aime, Dadis te veut,
tu me rends fou, viens me rejoindre,
je te donnerai tout ! », puis traitée
de « très méchante » quand elle lui eut,
une fois pour toutes, signifié de ne plus insister.

Cheikh Yérim Seck ensuite. Auteur d'une enquête
prémonitoire publiée dans J.A.
quinze jours avant le massacre
du 28 septembre – « l'incroyable capitaine Dadis »
– et objet depuis de la vindicte débridée
du chef de l'État (ou de ce qu'il en reste).
Au lendemain de la parution de ce numéro,
le bipeur compulsif qu'est manifestement
Dadis a appelé – tenez-vous bien – dix-sept fois
la direction de la rédaction de J.A.,
mais aussi le standard du journal, pour
se plaindre de notre collaborateur !

Le 2 octobre, fête de l'Indépendance, alors
que le sang de ses compatriotes maculait
encore les marches du stade et après
avoir déposé la gerbe du souvenir, il n'a pas trouvé
mieux que de récidiver devant les micros
et les caméras.
Une semaine plus tard, enfin, profitant
de l'étrange complaisance d'une chaîne
de télévision panafricaine, le petit caudillo
de Conakry dont la communauté internationale
exige désormais, au minimum, le départ,
déversait sur Seck et sur J.A.
un flot d'injures nauséeuses qu'il serait
intéressant de soumettre à l'examen d'un psychiatre.

Puisque, manifestement, Dadis Camara nous lit,
nul doute qu'il trouvera dans les lignes
qui précèdent matière à résilier son abonnement.
Cela tombe bien.
Après quarante-neuf années d'existence
qui furent autant de défis lancés à l'arbitraire
et à la bêtise, Jeune Afrique
n'a pas besoin d'un lecteur comme lui.


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--
J-L K
Sent from Kigali, Rwanda

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