Le Président américain Barack Obama à
la Maison Blanche à Washington,
le 17 septembre 2009. (AFP Jim Watson)
Au moment où la popularité de Barack Obama s'effrite,
les attaques sur ses origines et sa couleur
se font de plus en plus précises.
Par LORRAINE MILLOT correspondante à Washington
Obama en sorcier africain, un os en travers du nez,
Obama en fourrure de singe, mangeant une banane…
Dans les manifestations de ces derniers mois
contre le président américain et sa réforme de la santé,
les attaques racistes ont fait un retour en force.
Dans les talk-shows à la télévision ou la radio,
les plus exaltés se moquent presque ouvertement
de la couleur du président.
Ainsi Rush Limbaugh, le plus célèbre des porte-voix
de l'ultra-droite, montait en épingle la semaine
dernière des images filmées dans un bus,
montrant un enfant blanc rossé par un noir.
Son commentaire : «Voilà l'Amérique d'Obama,
des enfants blancs maintenant battus
dans les bus scolaires.»«un Noir qui cherche
la bagarre».
Pour Glenn Beck, un autre de ces enragés,
animateur sur la chaîne de télévision Fox,
Obama est «un type qui a une haine profonde
pour les Blancs ou pour la culture blanche».
«Je pense que ce type est un raciste»,
a lancé Glenn Beck cet été.
«Birthers». Même sur CNN, le conservateur
de service Lou Dobbs s'est pris de passion cet été
pour le certificat de naissance de Barack Obama,
demandant que le président «montre le document»
prouvant sa citoyenneté américaine.
Cette question de la nationalité du Président
inspire tout un mouvement, les «birthers», qui,
envers et contre toute évidence, suggèrent
qu'Obama ne serait pas vraiment américain,
ni donc éligible comme président, car
il serait né au Kenya (il est né à Hawaï, État américain).
La polémique a rebondi la semaine dernière quand
Jimmy Carter a accusé de racisme
les détracteurs d'Obama. « Je pense qu'une part
écrasante de l'intense animosité qui s'est exprimée
envers le président Obama tient au fait qu'il
est noir, qu'il est afro-américain », a lancé l'ancien
président démocrate. «Je vis dans le Sud,
et j'ai vu le Sud faire beaucoup de chemin.
Mais cette tendance raciste existe toujours
et je pense qu'elle est remontée à la surface
en raison d'un sentiment partagé par
beaucoup de Blancs, pas seulement dans le Sud
mais dans l'ensemble du pays,
selon lequel les Afro-Américains ne sont pas
qualifiés pour diriger ce grand pays.»
«Diversion pathétique». A l'heure où l'Amérique
se veut «post-raciale», fière de son premier
Président noir, la semonce de Carter a fait du bruit.
Les Républicains crient à la manœuvre
de diversion, soupçonnant les démocrates
de vouloir ressouder les rangs derrière Obama,
au moment où sa popularité s'effrite.
Le président, noir lui aussi, du parti républicain,
Michael Steele, dénonce «une diversion pathétique
des démocrates pour détourner l'attention
du très impopulaire projet gouvernemental
de système de santé».
Fidèle à lui-même, et à son souci de rassembler
au-delà des races, Barack Obama a fait mine
de ne guère s'intéresser au sujet : «Je pense
que les critiques ont plus à voir avec le fait
que certains personnes veulent cyniquement
me faire échouer dans ma politique», a assuré
le Président dimanche, invitant les Américains
à revenir à «plus de politesse et de courtoisie».
Grand interdit. Même si Obama le nie -tout en en
profitant pour remobiliser ses troupes-, il est clair
qu'une partie de l'Amérique a encore
un problème avec un Président noir.
Le Southern Poverty Law Center (SPLC),
qui traque les groupes extrémistes,
observe un «retour des milices» qui s'étaient déjà
manifestées dans les années 1990
sous le nom de mouvement «patriote».
Avant même l'élection d'Obama, de 2000 à 2008,
le SPLC a compté une augmentation
de 54% du nombre de groupes racistes
et extrémistes, passés de 602 à 926.
L'installation d'Obama à la Maison blanche «a injecté
un fort élément racial dans ces milieux
d'extrême droite», souligne Larry Keller, du SPLC,
qui a déjà recensé plusieurs meurtres
et complots en partie inspirés par cette élection.
En Floride, un homme rendu furieux par Obama
a tué deux policiers.
Près de Boston, un autre tourmenté par
le «génocide» de la race blanche
a tué deux Africains.
Tous ces mouvements restent ultra-minoritaires
bien sûr, le racisme fait même sans doute partie
des grands interdits aux États-Unis.
Mais «il ne manque qu'une étincelle,
s'inquiète un policier cité par le SPLC.
Ce n'est qu'une question de temps
avant de voir des menaces et des violences.»
--
J-L K.
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