10/13/09

Témoignage d'Alex sur les circonstances de l'assassinat de Mzee Albert Prigogine Ngezaho

Il y a quelques temps, nous avons été contactés par
un officier supérieur des F.A.R.D.C. que nous
appellerons Alex.

C'est un nom d'emprunt pour éviter de mettre
notre témoin en danger.

Cette semaine, il a demandé à bénéficier
d'une protection car il se sentait en danger de mort.

Nous avons décidé de le protéger car
nous sommes convaincus de sa sincérité.
Cette personne nous a rejoints secrètement
le 10 octobre 2009 tôt au matin.
Nous avons immédiatement mis en place
une sécurité mais pour des raisons évidentes,
il nous est impossible d'en évoquer
la teneur dans le présent document.

Il a évoqué librement et dans les détails
les conditions de préparation de l'assassinat
de feu Albert Prigogine et la réalisation de cet assassinat.

Samedi 10 octobre 2009, lors de la conférence
de presse destinée aux journalistes de Goma,
nous avons appelé le témoin par téléphone.

En présence des journalistes de Goma,
tout le monde a pu entendre avec beaucoup
de tristesse et d'émotions, les conditions
dans lesquelles feu Albert Prigogine
a été assassiné le 13 mars 2008.

Ce que l'officier a révélé est conforme
aux informations que nous possédions par ailleurs.
Pour rappel, nous avions interrogé de nombreux
témoins clandestinement ces derniers mois,
éliminé les témoins manipulateurs ou
intéressés à l'argent et recoupé
les informations dont nous disposions.

Le témoignage d'Alex est
conforme à nos informations.

Voici son récit qu'il nous a dicté
ce lundi 12 octobre 2009 et qu'il nous
a autorisé de communiquer sur internet
et à la presse.

L'entretien s'est déroulé en swahili
et nous avons traduit en langue française.
Alex comprend le français mais maîtrise
mieux le Swahili.
Un exemplaire de ce document est
conservé signé en lieu sûr.
Nous disposons également d'une cassette
d'enregistrement de son témoignage
et celui-ci a aussi été enregistré par
les journalistes lors de la conférence
de presse de samedi dernier.
 A cet égard, le témoin Alex a glissé
des détails à la presse en vue
d'éviter son identification.
De même, il a décidé de réserver
certains détails aux autorités judiciaires.

« C'était en janvier 2008, vers 16 heures dans
le centre ville de Goma, dans la voiture
du Major Patrick (chef de la sécurité
du Gouverneur de la Province du NK)
avec le Colonel Kakule Maestro quand
ce dernier a reçu un appel.
Cet appel lui disait que l'heure est arrivée
pour le « deal ».
Le colonel KaKule a alors dit au Major Patrick
qu'il pouvait aller au « traité ».
Il a ajouté : « Comme les autres ne sont
pas là on peut aller avec Alex ? ».
Le Major Patrick a répondu qu'il n'y avait
pas de problème.
Dans la voiture j'ai demandé de
quel « traité » il s'agissait.
Ils m'ont répondu que je verrai
dès mon arrivée là-bas.
J'ai suivi sans savoir où j'allais.
Je me suis rassuré en me disant
qu'ils étaient des amis, ils ne pouvaient donc
pas me mettre dans des problèmes.
J'ai vu qu'ils m'emmenaient
chez le Colonel Mundos.

Chez le Colonel Mundos, j'ai trouvé
le Major Yves du commandant bataillon
des GR et le Colonel Mundos lui-même.
Mundos a présidé la réunion. « Cette réunion
a pour but de voir comment aider Musanganya.

Nous l'avons déjà planifié avec
le Colonel Delphin et le Gouverneur
qui sont déjà d'accord», nous a-t-il dit.
L'objectif de la réunion était de planifier
comment trouver des tireurs d'élites
pour l'assassinat d'Albert.
Ils ont dit qu'ils n'y en avaient pas
de disponibles.
C'est alors que le Colonel Mundos
a demandé au Major Yves
s'il pouvait en trouver.
Il a répondu qu'il était confiant
avec un de la garde républicaine.
Ils se sont dits que le Major Patrick
pouvait aussi en trouver un autre.
C'est alors que le Major Patrick a répondu
qu'il ne fallait pas mélanger les tireurs
et qu'il en trouvera lui-même.
Ce jour là, ils n'ont pas beaucoup parlé.
La conversation s'est achevée là.
Avant de partir Mundos a donné comme
instruction qu'à son retour de Lubumbashi
le Major Patrick devra avoir trouvé ces gens là.

C'était le 25 janvier 2008.

Puis, ils sont restés en contact par téléphone.
Le 19 février 2008, Le Major Patrick m'a dit
que Mundos était de retour et que
je devais me préparer pour la réunion
dans l'après midi.
C'est ainsi que nous sommes
restés ensemble et que nous
avons été rejoints par le Colonel Kakule Maestro.

Arrivé là, la même équipe y était composée
du Colonel Mundos, Kakule Maestro,
Major Patrick, Major Yves et moi-même.
Composé en plus des officiers
que le Major Patrick
a présenté : le Capitaine Moses et Muhindo Moi.

Colonel Mundos a expliqué la mission.
Celle d'éliminer Albert Ngezayo (Prigogine)
et il a expliqué aux deux capitaines
pourquoi l'assassiner.
Ils ont demandé ce qu'ils recevront
en échange.
Mundos leur a promis un peu d'argent avant
et une prime après que la mission
a pu être exécutée.
A la sortie de la réunion, Musanganya
est arrivé.
II a sorti une enveloppe qu'il a donnée
au Colonel Mundos, et celui-ci l'a
à son tour donnée au Major Yves
sur le côté.
Le Major Yves a distribué l'argent.
J'ai reçu 500 US Dollars.

Ensuite, nous sommes partis
chez le colonel Delphin.
Le Colonel Mundos a suivi
Le Colonel Delphin dans sa maison.
Nous l'avons suivi.
Le Colonel Delphin nous a rassurés
que la sécurisation du terrain
était déjà planifiée.

Lors de ces deux réunions, l'on n'avait
pas fixé de date pour
la réalisation de l'opération.

Quelques semaines plus tard,
ils ont créé une mission pour
m'envoyer à Béni.
J'ai essayé d'éviter cette mission.
Le Colonel Kakule Maestro est venu
chez moi me demander pourquoi
je ne partais pas, j'ai dit
que j'étais malade, parce
j'ai trouvé bizarre que l'on m'envoie
en mission à Béni.
J'ai compris qu'ils voulaient m'écarter
de la mission et que j'étais en danger.
Je suis resté en maladie.

Puis quand je suis parti à la résidence
du Gouverneur pour me présenter au bureau,
quelques jours plus tard, ils m'ont demandé
d'aller à Mabanga.
Je n'y suis pas allé car j'ai trouvé
qu'ils voulaient m'envoyer régler
quelque chose de ridicule.
En fait, c'était le 13 mars 2008.
J'ai rebroussé chemin et j'ai été
au Tora Tina dans un bar quand
j'ai entendu les coups de feu
vers la résidence du Gouverneur.
J'ai appelé un « escort » du Gouverneur.
Il m'a dit qu'il avait entendu
des coups de feu mais qu'il
ne savait pas de quoi il s'agissait.
J'ai appelé le Major Patrick, il m'a dit
être à la résidence.
J'ai demandé si je pouvais venir ;
il m'a dit de passer par le parquet.
Je me suis dit que s'il me demandait
de passer par le parquet,
c'est qu'il voulait m'avoir.
J'ai dévié ma trajectoire,
j'ai pris le chemin vers la DGM ,
puis vers les « Sudaf »
et je suis passé vers le bas.
Sur la route, j'ai croisé
le Major Yves accompagné
du REDOC (ANR).
Ils avaient laissé la voiture
et descendaient à pied.
J'ai continué ma route
vers la résidence du Gouverneur.
Eux sont partis sur le lieu
de l'assassinat de Prigogine.

Arrivé là, les gardes m'ont dit
qu'on avait assassiné Prigogine
et que le Major Patrick l'avait emmené
à l'hôpital.
Je suis sorti et je suis parti
sur le lieu de l'assassinat.
J'ai reçu l'information qu'on avait tiré
sur deux autres personnes.
J'ai également cherché à savoir
quelle voiture avait opéré.
On m'a dit que c'est une
des voitures du gouverneur,
conduite par le fils
de MBWEKI (fils d'un commerçant
de la ville qui travaille chez le Gouverneur).
La voiture a été mise en sécurité
chez le Colonel Delphin.
La nuit, la voiture a été transférée
à Mabanga chez la belle mère du Gouverneur
de la Province du Nord Kivu Julien Paluku.
Le lendemain soir, la voiture
était transférée à Béni.
L'un des tireurs est parti
avec la voiture.
Peu de temps après, l'autre l'a suivi. »

Voilà en quelques mots le récit du témoin.
Pour assurer sa propre sécurité
et lutter contre l'impunité en RDC,
nous estimons de notre devoir
de porter ce témoignage publiquement
à l'attention de la population et des autorités.
 
À tous les invités de NOUS VOULONS
UN CONGO PACIFIQUE,
PLUS JUSTE ET PLUS PROPRE!

Isabelle Prigogine

Pour mémoire, Monsieur Musanganya
est le propriétaire de l'hôtel Cap Kivu
construit illégalement sur le site immobilier
de la Société Safari Lodge
dont feu Albert Prigogine était propriétaire.
Le litige entre l'intéressé et feu Albert Prigogine
a abouti à la victoire judiciaire de ce dernier
qui détient deux arrêts
de la cour suprême du Congo.

Le colonel Mundos était commandant
de brigade à la garde républicaine
et aussi le beau-frère de Musanganya.
Il a quitté Goma et est actuellement
en opération militaire
dans le nord est du Congo.
Le colonel Delphin était commandant d
e la 8ème région militaire,
chargé des opérations et renseignements.
Le major Yves était
commandant de bataillon.
Le major Patrick est l'instructeur
des militaires des gardes
du corps du gouverneur.
Le colonel Kakule est
le conseiller militaire
du gouverneur Julien Paluku.

Lors de l'enterrement de notre
si cher père, le gouverneur a pris
la parole en disant que Dieu seul
soufflera le nom des assassins
aux oreilles de la commission.

La commission constituée par ses soins,
n'a jamais fourni de rapport définitif.
Le président de cette commission
était l'auditeur militaire supérieur
du Nord Kivu, le colonel Bokatola José.

Lors de l'interview aux journalistes,
le témoin Alex a également donné
des précisions quant aux circonstances
dans lesquelles deux personnes
innocentes ont été assassinées
le même jour.

Il s'agit de Tshikala, un employé
du parquet, qui a reçu une balle
dans la jambe et s'est retrouvé
agonisant avec le thorax
et le bassin écrasé par un véhicule.

Le témoin a évoqué des instructions données
par le gouverneur et adressées
à l'inspecteur provincial NGOY
en charge de la police.

Le témoin a aussi indiqué qu'un
petit enfant présent à hauteur
du kiosque situé face au lieu
de l'assassinat, a été tué pendant la nuit.

Après l'assassinat, Alex a demandé
et obtenu sa mutation en d'autres lieux.
Il est revenu récemment à Goma
et a contacté la famille.

A la requête de l'avocat de la famille,
nous signalons les faits survenus
dans la journée du 9 octobre 2009.
Nous étions en effet en contact
avec un autre témoin, officier militaire,
qui promettait de communiquer la vérité.

Notre avocat a été prévenu
par des sources personnelles
dans la ville, que cette personne tentait
de piéger Isabelle et Albert Jr.,
les deux enfants de feu Albert Prigogine
et Tekla Jados, présents à Goma,
et qu'il ne fallait pas exclure
un enlèvement voire pire.

Des mesures spéciales de protection
ont été immédiatement adoptées
avec l'assistance de notre conseil.
Effectivement, dans l'après midi,
il nous a été proposés de nous rendre
dans une maison où nous saurions
toute la vérité.
La proposition n'avait rien à voir
avec la démarche d'un repenti
soucieux de contribuer à la manifestation
de la vérité.
L'analyse menée avec des amis surs
a permis de conclure à l'existence
d'un piège grossier.
Vers 18 heures, notre avocat
a appelé l'informateur en lui annonçant
qu'il devait suivre les instructions
qui seraient données le jour même,
dans le respect de la loi,
faute de quoi tout contact serait interrompu.
Bien nous en pris car aujourd'hui
nous sommes convaincus
que l'on voulait nous piéger.

La famille Prigogine demande
de sécuriser au plus tôt les témoins
et de veiller à poursuivre l'instruction
de cette affaire.
Pour la famille, il faut composer
une équipe d'enquêteurs d'élite
au dessus de tout soupçon, e.a.
en invitant l'auditeur écarté du dossier
et séjournant actuellement à Kisangani
à rejoindre cette équipe.
La constitution de cette nouvelle équipe
permettra également de mettre
en lumière les entraves
apportées à la manifestation de la vérité.

Enfin, la famille Prigogine demande
que les personnes citées et impliquées
dans cette affaire soient
soit placées en garde à vue
soit mises en détention provisoire
dans les meilleurs délais.

Goma, le 13 octobre2009.

Merci pour votre aide,

La famille Albert Prigogine

 

--
J-L K

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