11/28/09

En Inde, des internautes financent les projets de micro-entrepreneurs

LE MONDE 
 
Bangalore (Inde) Envoyé spécial

Si chaque matin, l'étal de Ratnamma,
situé dans une rue ombragée
de Bangalore, est couvert d'autant
de roses et de fleurs de lotus,
c'est grâce à un internaute
qu'elle ne connaît pas.

Il y a quelques mois, elle a
décroché un prêt de 70 euros
pour s'acheter une charrette à bras
et un stock de fleurs auprès de
l'un des investisseurs sociaux inscrits
sur Dhanax.com.

Fondé en janvier 2008, ce site a
permis à 250 particuliers de prêter
200 000 euros à environ
1 500 entrepreneurs.
 
Le concept du microcrédit "P2P" ,
pour person to person, est né
aux États-Unis. Il se répand dans
le sud de l'Inde, surtout à Bangalore,
capitale du secteur informatique
du pays, où plus d'une dizaine
de sites Web dédiés à cette activité se
sont créés en un an.

"En éliminant des intermédiaires
comme les banques, ils offrent
de meilleures performances
aux investisseurs et aux emprunteurs",
écrit Amit Kumar, dans un rapport
sur l'emprunt P2P publié
par le cabinet d'études Grail Research.

Dhanax, qui prélève une commission
de 4 % sur chaque transaction,
offre 10 % à 11 % de retour
sur investissement aux internautes,
et les taux d'emprunt varient
entre 14 % et 15 %, contre 20 %
à 25 % dans les institutions
classiques de microfinance.

La start-up assure n'avoir connu
aucun défaut de remboursement.
"Les prêts sont accordés à
des groupes d'entraide qui
se portent caution. La meilleure
garantie de solvabilité est
leur cohésion et leur solidarité",
explique Siva Cotipalli,
cofondateur du site, qui s'appuie
sur des études montrant que
95 % des prêts accordés auprès
de groupes d'entraide
sont remboursés.

Les investisseurs prêtent d'autant
plus facilement qu'ils ont
la possibilité de rencontrer
les micro-entrepreneurs.
"Savoir à qui on prête, choisir
le projet, et obtenir de
meilleurs rendements que dans
une banque traditionnelle,
c'est ce qui m'a incitée
à franchir le pas", témoigne
Seema Ramachandra,
une consultante qui a investi
3 500 euros dans trois projets
sélectionnés par Dhanax.

En Inde, 10 % seulement de
la demande en microcrédits,
estimée à plus de 9 milliards
de dollars (6 milliards d'euros)
par le cabinet d'études MCRIL,
est satisfaite. L'argent
des particuliers est donc
le bienvenu. Le secteur est
en pleine croissance malgré
la crise - il a doublé entre
mars 2008 et mars 2009,
d'après l'ONG Access Development
Services.

Et cette année, sept nouvelles
banques ont pénétré le secteur
en s'associant à des ONG et
des institutions de microfinance.
Le nombre de bénéficiaires a atteint
les 22,6 millions en mars,
soit une hausse de 60 % sur un an.

Pour sélectionner ses projets,
Dhanax a établi 40 critères (ancienneté
du groupe, historique de ses emprunts,
éloignement géographique
entre ses membres...).

"Le marché rural arrive à saturation.
Des banques proposent des prêts
à 1 roupie de taux d'intérêt (0,014 euro),
et les villages bénéficient
de programmes publics d'aide.
Dans le même temps, les instituts
de microfinance rechignent
à travailler dans les villes,
car les entrepreneurs n'y ont pas
d'adresse fixe et sont plus
difficiles à suivre", explique
Rajesh Tekupalli, l'agent chargé
des relations avec
les micro-entrepreneurs
chez Dhanax.

Ce dernier travaille beaucoup
dans les écoles publiques.
Dans l'État du Karnataka,
chaque instituteur a pour mission
de convaincre les mères
des élèves de former des groupes
de micro-entrepreneuses.

Les vingt femmes du groupe
Om Shakhti Mahila Swasahaya Sangha
se réunissent ainsi chaque mois
avec une institutrice qui tient
à jour leur livre de comptes
et rédige les comptes rendus
de l'assemblée.
Il y a trois mois, elles se sont partagé
un prêt de 1 600 euros pour
investir dans des machines à coudre,
des chèvres... et honorer leurs dettes.

Certaines ne parvenaient plus
à rembourser des sommes
empruntées auprès d'usuriers
locaux à des taux d'intérêt annuels
pouvant atteindre les 100 %.

Les institutions de microfinance
accueillent avec prudence
ces nouveaux acteurs venus du Net.
"Leurs prêts ne représenteront
qu'une fraction des investissements
des banques", juge Chandra Shekhar
Ghosh, directeur de Bandhan,
un institut de microfinance de Calcutta.

Pour l'instant, les sites de microcrédit P2P
se contentent de mettre en contact
internautes et micro-entrepreneurs.
Ils échappent aux régulations et
aux contraintes de la Banque
centrale indienne.
Une économie de temps,
et donc d'argent. "Mais des dizaines
de milliers de particuliers pourront
difficilement prêter de l'argent,
directement, à des millions
de personnes, même via Internet",
avertit Rajesh Srivathsa, directeur
du fonds d'investissement
Ojas Venture Partner de Bangalore.

Julien Bouissou

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--
J-L K
Sent from Kigali, Rwanda

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