10/16/08

C'est à Kinshasa que Philippe de Dieuleveult a été liquidé

Lorsqu'en août 1985 Philippe de Dieuleveult s'est approché des rapides d'Inga, le célèbre animateur de « la Chasse au trésor », n'avait aucune chance de s'en sortir : non parce que le fleuve furieux allait faire chavirer son embarcation, mais parce que des commandos de la Division spéciale présidentielle allaient le soumettre à un rude interrogatoire, avant de finalement l'expédier vers Kinshasa, où il allait trouver la mort après un passage par le camp Tshatshi.
La journaliste française Anna Miquel publie dans la dernière livraison du magazine XXI, le résultat d'une longue enquête sur les circonstances exactes de la mort de Philippe de Dieuleveult et de ses compagnons de voyage. Il apparaît que le 8 août 1985, soit deux jours après l'annonce de leur disparition, Philippe de Dieuleveult et certains de ses compagnons encore vivants étaient interrogés à Kinshasa par la DSP qui voulait leur faire avouer qu'en réalité ils étaient des mercenaires, venus au Zaïre avec l'intention de saboter le barrage d'Inga ! Un ancien membre de la FIS (Force d'intervention spéciale) a confié à la journaliste un PV d'audition manuscrit, retrouvé dans les archives des services, où Dieuleveult assure qu'il se trouve dans le pays pour une « expédition » et précise qu'il possède des documents autorisant sa visite. Il exige aussi « d'être entendu devant mon avocat dans mon ambassade ».
La signature figurant sur le document estampillé « République du Zaïre » a été authentifiée à Paris par les deux frères de l'animateur de télévision. Jean de Dieuleveult, avec colère, se souvient de ses démêlés d'alors avec les services de l'ambassade de France et avec les militaires français qui participaient aux recherches. « Je suis un officier et on m'a pris pour un con ! » De fait, le vice-consul français de l'époque lui avait même présenté un corps mutilé, repêché dans le fleuve et, après expertise à Paris, il s'était avéré… qu'il s'agissait du corps d'un Africain !
La contribution d'Anna Miquel est neuve en ce qu'elle révèle que Philippe de Dieuleveult a été transféré et « liquidé » à Kinshasa, victime de l'accusation selon laquelle il aurait été un mercenaire chargé de faire sauter le barrage d'Inga et qu'il il fut torturé jusqu'à la mort dans l'espoir de le contraindre aux aveux. Pour le reste, un ancien commando de la DSP, Okito Bene Bene, qui avait dirigé les services de sécurité à Boma et que nous avions rencontré à l'époque, avait déjà révélé l'imposture : dans un livre paru en 1994, « J'ai vu mourir Philippe de Dieuleveult » (éditions Michel Lafon) il expliquait que la traque de Dieuleveult et de son équipe avait été lancée sur la base d'un message transmis par Kinshasa : «vous signale la présence sur l'île des Hippopotames d'un commando cubain d'une dizaine de personnes, pouvant être puissamment armé. »
Cette information avait été communiquée aux Zaïrois par un « service ami », les Français en l'occurrence, et elle confirmait un avertissement précédent : en juillet déjà, les services français avaient annoncé une opération de représailles sur Inga, menée par des Angolais et des Cubains, à la suite d'une attaque menée par les rebelles angolais de l'Unita contre les raffineries de Cabinda (à l'époque exploitées par la société américaine Gulf, sous protection des soldats cubains, au grand dam des pétroliers français…)
Croyant avoir affaire à de dangereux mercenaires, les services de Mobutu s'emparèrent donc de toute l'équipe d'Africa Raft qui se trouvait à bord de deux embarcations ,« Godelieve » et « Françoise ». Selon Okito Bene Bene, deux hommes, Richard Jeannelle, le photographe de Paris Match et André Hérault, furent tués sur le coup, Lucien Blockmans fut sérieusement blessé à l'épaule et devait mourir faute de soins dans les jours suivants. Quant aux autres, Philippe de Dieuleveult, Angelo Angelini, le Belge Guy Collette et le Brésilien Nelson Bastos, ils furent immédiatement soumis à interrogatoire, en dépit du fait qu'ils affirmaient, documents à l'appui, que leur expédition avait été dûment autorisée. Ils furent aussi questionnés à propos de leurs équipements (des émetteurs radio, deux fusils 22 long rifle, une carte d'état major du Bas Zaïre et du Cabinda, avec des points indiqués en rouge…)
Là réside probablement le secret de l'histoire : Philippe de Dieuleveult, prétextant une descente du fleuve, aurait en réalité projeté une autre expédition, se rendre au Cabinda, où opérait un mouvement rebelle soutenu par la France, le FLEC (Front de libération de l'enclave de Cabinda). Cette mission là, politiquement gênante, aurait été dûment torpillée par les services français, qui transmirent de fausses informations à leurs collègues congolais !
A la veille de s'engager dans son expédition en effet, Philippe de Dieuleveult avait fait un bref aller retour à Paris, et lorsqu'à Kinshasa il avait rencontré le président Mobutu et lui avait expliqué son projet d'expédition, ce dernier, qui ne parlait jamais pour ne rien dire, s'était contenté de laisser tomber : je ne peux vous donner aucune garantie en matière de sécurité…Ce qui avait valeur d'avertissement…
Par la suite, Français et militaires zaïrois semèrent des indices indiquant naufrage puis noyade tandis que l'épouse de Philippe de Dieuleveult, sur le conseil de Roland Dumas, ministre français des affaires étrangères à l'époque, renonçait à porter plainte, après avoir été fastueusement reçue par le président Mobutu…
Par la suite, le frère de Philippe de Dieuleveult devait reconnaître que Philippe avait été membre du service « Action » de la DGSE mais qu'il n'était pas en service lors de son voyage au Zaïre. De là à penser que lors de cette funeste expédition, il « jouait » pour son propre compte et s'était montré trop curieux, il n'y a qu'un pas à franchir…
En fait, un homme pourrait, aujourd'hui encore, révéler la véritable histoire de la disparition de Philippe de Dieuleveult : Honoré Ngbanda, qui était à l'époque le conseiller spécial du président Mobutu en matière de sécurité et qui est cité par Okito Bene Bene pour avoir suivi de très près toute l'affaire. Mais Nganda, qui vit aujourd'hui à Paris a refusé de répondre aux questions d'Anna Miquel : l'homme, qui a manifestement gardé entrées sinon protections en France est beaucoup plus loquace dans ses critiques voire ses manipulations du régime actuel que dans l'éclairage des mystères du régime Mobutu…








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