10/16/08

Rania l'Irakienne, une kamikaze qui ne voulait pas mourir

Sur les traces de Rania Ibrahim, 15 ans, qui devait se faire exploser sur le marché de Bakouba fin août et a préféré se rendre.

Rania Ibrahim témoigne après sa reddition à la police (Ho New/Reuters).

Rania Ibrahim devait semer la mort et la terreur le 24 août sur le marché de Bakouba, une ville située 50 km au nord de Bagdad. Cette adolescente irakienne de 15 ans, au visage joufflu et aux cheveux bouclés, n'avait qu'à actionner le détonateur de la bombe qu'elle portait sous son abaya, sa longue robe noire. Mais au moment de devenir une kamikaze au milieu de la foule qui se pressait au milieu des étals des marchands, elle n'a pas pu. Ou plutôt elle n'a pas voulu. La suite de l'histoire a fait ensuite le tour du monde.

Rania a été repérée par les hommes de la milice d'Al-Sahwa à un check-point. Ses gestes confus et son regard paniqué l'ont trahie. Les miliciens sunnites payés par l'armée américaine n'ont eu aucun mal à trouver sa ceinture d'explosifs sous sa longue robe noire. Les vingt kilos de TNT que la jeune femme transportait devaient provoquer un bain de sang auquel l'Irak est « habitué » depuis l'intervention américaine en 2003.

L'enfant aurait été la trente-et-unième femme bombe humaine d'Irak de l'année

Pour la première fois, le terrorisme irakien a trouvé un visage. Celui de Rania qui croupit depuis dans une prison de Bagdad. Mais qui est cette femme-enfant qui aurait dû être la trente-et-unième femme bombe humaine d'Irak cette année ? Pourquoi a-t-elle finalement refusé d'accomplir sa mission jusqu'au bout ? Etait-elle une terroriste isolée ? Ou faut-il y voir la patte d'Al-Qaïda, qui contrôle la région de Bakouba, devenue l'une des plus dangereuses du pays ?

En Irak, les avis sont partagés. Pour beaucoup, Rania est une criminelle. Et elle mérite la mort. « En fait, elle n'a pas eu le courage d'aller jusqu'au bout. C'est tout », tranche Moundir, journaliste à Bagdad :

« Quand on porte une ceinture d'explosifs, c'est qu'on y croit. C'est pour semer la terreur. En outre, elle n'a pas hésité à marcher de chez elle à la place du marché. Et s'il n'y avait pas eu une fusillade entre les hommes d'Al-Sahwa et des insurgés, elle se serait fait exploser. C'est une folle. »

Faux, rétorque Bessaed Selmane, la mère de Rania, en pleurs à l'autre bout du fil : « Ma fille est innocente. Elle n'a pas compris ce qui lui arrivait. » La sexagénaire a la voix amère de colère des mamans en détresse :

« Elle a eu peur pour elle et les autres. C'est pour cela qu'elle a fait marche arrière et qu'elle est revenue vers moi pour que je la débarrasse de la bombe. »

C'est d'ailleurs ce que Rania a raconté aux miliciens d'Al-Sahwa au moment de son arrestation. « Je ne veux faire de mal à personne », leur a-t-elle répété inlassablement :

« Moi, je veux devenir docteur ou enseignante. Pas kamikaze. Ceux qui m'ont fait porter le gilet ne m'ont jamais dit que cela allait faire du mal. Je veux voir ma mère. »

Son mari l'a endoctrinée pour faire d'elle « une beauté du paradis »

Rania, une victime ? La justice irakienne tranchera. Mais avant, elle aimerait bien mettre la main sur Hamid, le mari de l'apprentie kamikaze. Ce chômeur d'une vingtaine d'années a disparu depuis l'attentat manqué. Et selon la maman de Rania, dont la voix déraille régulièrement, c'est lui le cerveau du massacre manqué de Bakouba :

« C'est lui la source de nos malheurs. Il a obligé ma fille à devenir kamikaze. Il l'a endoctrinée pour la transformer petit à petit en terroriste. »

Un processus qui a débuté dès le mariage il y a neuf mois, raconte Alaa Al-Djabouri, un des seuls journalistes irakiens autorisés à rencontrer régulièrement Rania :

« Son mari l'a guidée pas à pas sur le chemin de la mort. Avec une idée : faire d'elle une bombe humaine. Chaque soir, il lui disait qu'il l'aimait beaucoup. Mais qu'il l'aimerait encore plus au paradis. Il lui achetait des cadeaux et il lui parlait du jour du jugement dernier. Il racontait les opérations des martyrs. De ceux qui sont récompensés par Dieu pour avoir offert leur âme pour la cause de l'islam. »

Mieux, le martyr est accueilli dans des jardins verdoyants et par le chant d'oiseaux aux mille couleurs. Toutes ses envies sont comblées. « Rania a cru son époux sur parole », poursuit Alaa Al-Djabouri :

« Elle est un peu simple d'esprit. Et il en a profité pour lui faire gober qu'elle deviendrait une "hour al ain", une beauté du paradis. Surtout, il insistait pour qu'une fois au ciel, elle le choisisse comme partenaire pour faire l'amour éternel et pour boire les eaux de la rivière de miel et les élixirs de toutes sortes. »

Rania était mûre pour le sacrifice. Le 24 août, les choses sont allées très vite. En ce dimanche de canicule, l'adolescente est prise en charge par Fatima Weedad, une cousine de son mari. C'est elle qui la ceint avec les vingt kilos d'explosif. Continuellement, elle la rassure. « Rien ne t'arrivera », répète-t-elle avant de lui offrir un jus. « De la drogue », insiste Bessaed Selmane :

« Ma fille était dans un état second. Elle n'était pas elle-même quand la cousine de son mari l'a accompagnée au marché, devant l'école où Rania devait se faire exploser. »

Elle verrait des fleurs au moment de déclencher le détonateur…

Avant de la quitter au milieu de la rue, Fatima raconte à la jeune kamikaze qu'elle verra des fleurs au moment de déclencher le détonateur de sa bombe. Rania est seule désormais. Et sans la fusillade qui l'a effrayée, elle aurait volé en éclats.

« Je regrette d'avoir donné ma fille à cet homme », pleure aujourd'hui Bessaed Selmane, accusant le mari indigne a gagné de l'argent avec la peau de Rania :

« Il en a profité dès le début. Lui qui a été logisticien pour Al-Qaïda l'a vendue aux terroristes. C'est terrible. Avec ces dollars, il pourra se payer une nouvelle femme, une nouvelle recrue pour la guerre sainte ? C'est ça, croire en Dieu ? C'est ça ce que dit le Coran ? Ma fille a demandé le divorce. Elle ne veut plus rien avoir en commun avec ce monstre. »

Rania n'est pas un cas isolé en Irak. Loin de là. De plus en plus de femmes se transforment en martyr pour le compte de la nébuleuse de Ben Laden, en perte de vitesse depuis quelques mois. Souvent simples d'esprit ou poussées par un désir de vengeance, elles sont devenues la meilleure arme des terroristes. Avec leur abaya, elles passent souvent inaperçues dans la rue et aux check-points où les hommes n'osent pas les fouiller.

Et que cela soit en Algérie, en Tchétchénie ou au Proche-Orient, les attentats suicides au féminin se multiplient. « C'est la preuve de la lâcheté d'Al-Qaida, indique Abdul-Karim al-Rubaye, commandant dans l'armée irakienne, la nébuleuse est à bout de souffle. » Rania en est d'ailleurs le symbole. En échouant dans sa mission, la jeune femme a rendu un fier service au gouvernement irakien. Depuis, il l'exhibe tel un trophée de sa guerre contre les terroristes. Alaa Al djabouri insiste :

« Procès ou pas procès, condamnée ou pas, cette jeune fille est une victoire. Si elle était morte, elle aurait rejoint la liste des martyrs et serait ainsi devenue une légende. Mais là, on voit qui sont les soldats de Dieu. De simples gens, pauvres, souvent mal éduqués que les terroristes utilisent comme de la chair à canon. On est loin d'un acte réfléchi au service de dieu. Ceux qui agissent au nom d'Al Allah n'en sont pas dignes.»






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Jean-Louis Kayitenkore
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