10/16/08

"Le stade, c'est un des rares endroits où l'on peut encore manifester publiquement"

Pour Williams Nuytens, sociologue spécialisé dans les comportements des supporters à l'université d'Artois, il faut "refroidir" le débat entourant les sifflets qui ont accompagné la Marseillaise, mardi au Stade de France, et ne pas y voir systématiquement une dimension politique.

Comment interprétez-vous les sifflets entendus au moment de l'hymne national avant le match entre la France et la Tunisie ?

Williams Nuytens : "La première chose, c'est qu'il faut certainement distinguer plusieurs catégories d'auteurs. Selon qu'ils sont des supporters français, français d'origine nord-africaine ou tunisiens, le sens des sifflets n'est pas du tout le même. Ensuite, c'est également différent si c'est lié à des groupes de supporters, qui ont une stratégie et des raisons bien arrêtées, ou si ce sont des actes isolés qui ont pris une tournure collective dans le stade.

Et ensuite, en fonction de ces catégories, quelles conclusions peut-on tirer ?

On ne peut faire que des suppositions. Il est possible que certains sifflent en raison de la manière dont sont gérés les problèmes qui entourent l'équipe de France de football. Ensuite, le fait qu'on siffle la Marseillaise peut également être l'illustration qu'une partie de la population ne croit plus au capital symbolique que dégage l'hymne. Ces sifflets sont plus choquants parce que c'est dans un espace public, que c'est médiatisé, mais ça ne me choque pas plus, par exemple, que de manquer de respect à un porteur d'institution que peut être par exemple un instituteur.

Peut-on voir une dimension politique dans ces sifflets ?

Il y a tout de suite eu la fabrication d'une dimension politique liée à l'intégration de certaines communautés. Personnellement, je trouve ça ridicule. Si le problème se pose, plutôt que de s'insurger, cherchons à savoir pourquoi ils ont parfois ces attitudes. N'oublions pas les supporters français qui sifflent pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la Marseillaise et sa représentation nationale, mais à cause de l'association qu'ils font entre la Marseillaise et l'équipe de France. La première interprétation doit se détacher un peu de la polémique et la refroidir. Je reste persuadé que si c'est une autre équipe nationale, qui n'est pas nord-africaine, et qu'il y a des sifflets dans le stade, on ne polémique pas avec la même ampleur. C'est comme la banderole du PSG présentée au peuple du Nord. Beaucoup se sont insurgés, mais c'est une pratique très courante chez les supporters de jouer la provocation par l'intermédiaire des banderoles. Si cette banderole n'avait pas été présentée au moment où il y avait une sorte d'adoration pour la culture nordiste, ça n'aurait pas eu le même retentissement. C'est toujours une affaire de contextualisation.

Certains sifflets peuvent donc être dénués de tout fondement ?

Il y a forcément une dimension récréative, de sociabilité festive. Je suis convaincu que certaines gens sifflent parce que c'est l'occasion de s'amuser, qu'il y a un jeu. Les supporters sont beaucoup dans une dialectique de la provocation, du jeu, de "l'intox". Mais ensuite, on fait immédiatement un amalgame et l'on donne tout de suite une dimension politique à ces sifflets sans même savoir si c'est effectivement le cas.

A quel point le phénomène de groupe joue-t-il dans ce type de comportements ?

Gustave Le Bon, quand il parlait au XIXe siècle de la psychologie des foules, disait qu'une fois qu'on est dans la foule, la conscience individuelle s'efface pour fabriquer une conscience collective. Il y a incontestablement un phénomène de masse. Je siffle l'hymne national, mon voisin siffle mon attitude. Vu de l'extérieur, les deux personnes sifflent pour la même raison, il se produit à chaud un amalgame, un traitement de toutes les attitudes de façon homogène.

Les commentaires et les actions politiques sont-ils donc disproportionnés ?

Quand Nicolas Sarkozy reçoit Jean-Pierre Escalettes à l'Elysée, c'est une réaction à chaud aussi spectaculaire et emphatique que l'étaient les sifflets. Dans une stratégie de gouvernance, ça marque les esprits. Les mesures proposées sont assez symptomatiques de la manière avec laquelle on traite les supporters en France. On voudrait qu'ils soient de bons payeurs, de bons consommateurs de produits dérivés, qu'ils soient bien assis, qu'ils chantent quand on gagne, également quand on perd. Mais au stade, on n'est pas passif, c'est un des rares endroits où on peut encore manifester publiquement. Il ne faut pas s'en étonner.

Propos recueillis par Alexandre Roos






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