10/8/08

«En 1929, il avait fallu trois à quatre ans pour que la confiance revienne»

INTERVIEW

L'économiste Bernard Gazier estime que la crise financière actuelle est, comme la crise de 1929, une crise de confiance.

 

Recueillis par JULIEN MOSCHETTI

    Selon vous, la crise financière actuelle évoque le krach de 1929. En quoi ?

    A l'époque, les gens disaient qu'ils avaient «l'impression que le sol se dérobait sous leurs pieds». On ne sait plus aujourd'hui qui est vulnérable ni qui est stable. On est tous interdépendants. Les entreprises financières qui ont une mauvaise réputation ont du mal à s'en défaire. C'est l'exemple de Natixis qui s'est lancé dans les «subprimes» au lieu de financer l'économie sociale. Mais son cours  continue  à baisser tous les jours : c'est symptomique d'un climat de défiance.

    Comment voyez vous l'évolution de cette crise financière?

    La 2e étape de la crise, c'est le ralentissement de l'économie réelle (faillites, disparition des clients…etc.). Or, du fait même que certaines personnes sont ruinées, d'autres deviennent prospères en les rachetant. Citons par exemple Barclays qui a racheté Lehman Brothers, ou BNP Paribas qui a racheté la partie belge de Fortis. Les acheteurs qui ont racheté des acteurs importants vont petit à petit être en position de relancer la croissance. Mais personne ne voit aujourd'hui ces signaux positifs car nous sommes dans un climat de défiance. En 1929, il avait fallu attendre 3 à 4 ans pour voir, petitement, à grands coups d'interventions étatiques, revenir un début de confiance. Nous en sommes aujourd'hui au début de la récession. Donc on risque de devoir attendre 2 à 3 ans pour que l'économie réelle reparte vraiment et que les opérateurs reprennent confiance.

    Comment s'attaquer aujourd'hui à la spéculation?


    Il faut intervenir à trois niveaux: punir, sauver et changer les règles. Les spéculateurs doivent être punis car, si aucun opérateur ne sent les conséquences de ses actes, cela va continuer de la même façon. Mais on ne peut pas punir tout le monde car cela risquerait d'entraîner une panique bancaire. Donc on doit «sauver la mise» à certains acteurs qui ont pourtant spéculé comme les autres. Enfin, il faut changer les règles, et c'est le plus important. En attendant, la ligne de partage entre punition et sauvetage doit être imprévisible et opaque pour que les spéculateurs «sauvés» ne puissent pas l'anticiper. La punition doit être imprévisible afin que tous soient concernés.

    Quelles règles préconisez-vous?

    Faire du profit à partir de la négociation de titres que l'on ne possède pas ne devrait pas être possible. Les Etats ne doivent plus avoir la possibilité de confondre leur monnaie avec la monnaie mondiale, comme le font les Etats-Unis. Pour restaurer la confiance, il faudrait un accord stabilisant les relations entre le dollar, l'euro, le yuan, peut-être également le yen. Or, il est peu probable qu'on arrive à cet accord car, entre autres, l'Europe, qui pourrait être stabilisatrice, ne pèse pas de son vrai poids. L'Europe, c'est en quelque sorte un bien public régional et dominé: elle amortit les chocs mais ne permet pas de repartir. L'Europe se retrouve aujourd'hui largement impuissante.

    Pensez-vous que la BCE devrait baisser ses taux directeurs?

    Il est prévisible qu'elle baisse désormais rapidement ses taux pour faire repartir la croissance, une fois les risques de récession confirmés et les risques d'inflation écartés, mais cela ne sera pas suffisant. Il faudrait une série d'interventions combinant des nouvelles règles et de nouvelles garanties, par exemple sous l'égide du FMI, associant outre les occidentaux, au moins la Chine, l'Inde et la Russie.

    Comment-voyez vous la situation des Bourses dans les jours qui viennent?

    Je serais bien incapable de faire des pronostics car la grande caractéristique de cette crise, c'est le manque de visibilité, et c'est justement cela la crise de confiance.

    Bernard Gazier est l'auteur d'un Que sais-je? sur «La crise de 1929» (PUF) et, chez Albin Michel, de «L'avancée des biens publics - Politique de l'intérêt général et mondialisation»







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