10/9/08

 La guerre des mots
- 5 octobre 2008 - par JEAN-DOMINIQUE GESLIN ET TSHITENGE LUBABU M.K.

L'appel au renversement du régime congolais lancé par le général rebelle Laurent Nkunda ne contribue pas à l'amélioration des relations entre les deux pays. Pour l'instant, les dérapages verbaux restent sous contrôle...

On le disait malade, voire mort. Mais Laurent Nkunda a fini par réapparaître et, manifestement, il n'a rien perdu de sa verve. « J'appelle toutes les forces vives, tous les Congolais, à se dresser contre un gouvernement qui a trahi son peuple »… Dans sa dernière déclaration de guerre au régime congolais, le 2 octobre, l'officier dissident n'a pas mâché ses mots. « Nous nous transformons en un mouvement de libération totale de la République », a ajouté le chef du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Lui qui n'avait jusqu'ici d'autre ambition que de protéger les Tutsis du Nord-Kivu semble avoir obtenu des soutiens au-delà de sa communauté.
Cette nouvelle sortie de celui qui, le 28 août, a repris les armes contre les forces congolaises dans les collines du Kivu confirme deux choses. D'abord, que le cessez-le-feu consécutif à l'accord de paix de Goma signé au mois de janvier a bel et bien volé en éclats. Ensuite, que Nkunda n'a pas fini d'empoisonner les relations entre la RD Congo et le Rwanda, même si le contentieux entre les deux pays va bien au-delà de son cas. C'est d'ailleurs ce qu'a récemment indiqué le président Paul Kagamé dans une interview au quotidien belge Le Soir : « Même si, pour une raison ou pour une autre, Laurent Nkunda venait à disparaître, le problème du Nord-Kivu ne serait pas résolu pour autant. » Au cours du même entretien, le chef de l'État rwandais n'a pas fait mystère, en des termes jugés très peu diplomatiques par Kinshasa, du mal qu'il pense de Joseph Kabila, son alter ego congolais.
Voilà plus de dix ans que les relations entre les deux pays sont tendues. Et la reprise des combats n'a rien arrangé. Au cœur de ces tensions, le manque de confiance entre les dirigeants. Au-delà des apparences, les deux présidents ne sont-ils pas liés par un pacte secret, comme d'aucuns l'affirment ? Un observateur répond par la négative. « Kabila est plutôt proche de James Kabarebe, le chef d'état-major de l'armée rwandaise. Lorsque Nkunda a pris Bukavu, en juin 2004, plutôt que de téléphoner directement à Kagamé, il a appelé Kabarebe et Charles Murigande, à l'époque ministre des Affaires étrangères. »

Crainte et respect
Pourtant, un journaliste congolais proche de Kabila affirme qu'une certaine complicité unit les deux hommes depuis 1996, au temps où le Rwanda soutenait la rébellion anti-Mobutu : « En public, le président congolais ne tient jamais de propos déplacés à l'égard de Kagamé. En dépit de ce qu'ils peuvent en dire en privé, cet homme inspire crainte et respect à tous ceux qui ont été un jour soutenus par Kigali. »
Au fil des ans, un contact direct entre les deux hommes a fini par s'établir, par le biais d'amis communs comme Donald Kaberuka, le président de la Banque africaine de développement (BAD). Il fut un temps où les deux hommes se téléphonaient… avant de s'éloigner à nouveau, surtout depuis que leurs deux pays se rejettent la responsabilité de la reprise des combats au Kivu. À en croire un responsable rwandais, « Kagamé juge que son jeune voisin n'a pas de parole. À moins que ce ne soit pas lui qui prenne réellement les décisions, mais certains faucons de son entourage. En tout cas, il donne l'impression d'être sous influence. »
Les Congolais admettent que rien ne va plus, mais refusent de « conforter le Rwanda dans sa conviction que ses problèmes internes seront réglés par le Congo, assure un conseiller du chef de l'État. Tout le monde sait que les hommes de Nkunda sont équipés et entraînés par des Rwandais ». Mais, selon un diplomate européen, « la RD Congo accuse sans apporter la moindre preuve ». Un analyste rwandais donne un autre éclairage : « Il n'y a pas d'aide tangible de Kigali à Nkunda. Mais comme celui-ci affirme avoir pris les armes pour combattre les Interahamwes et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), c'est-à-dire les ennemis de Kagamé, on peut dire qu'il est un allié objectif de celui-ci. »
Les deux voisins n'ont pas officiellement rompu leurs relations diplomatiques, mais n'ont pas non plus rouvert leurs ambassades respectives. Celle de la RD Congo, située à quelques mètres de la résidence officielle de Kagamé, à Kigali, tombe en ruine, tandis que celle du Rwanda à Kinshasa est squattée. Un fonctionnaire rwandais affirme que son pays a toujours souhaité la normalisation des rapports, ce dont les Congolais ne veulent pas entendre parler. « La question a encore été posée récemment, mais un représentant de la RD Congo nous a répondu que son pays n'était pas intéressé par une normalisation fondée sur des relations hypocrites. Nous avons alors décidé de ne plus en parler. »

Méfiance réciproque
Sur ce point, le camp congolais est divisé. Certains sont convaincus que vaincre Nkunda et résoudre les problèmes du Kivu est impossible sans l'établissement de relations normales avec le Rwanda. D'autres, assez nombreux dans l'entourage de Kabila, sont favorables au statu quo. L'un d'eux estime qu'il faut éviter « une normalisation sans contenu, marquée par une méfiance réciproque ».
Reste que la position de la RD Congo est mal comprise par la plupart de ses partenaires, en particulier les refus répétés du président Kabila de participer à des rencontres qui lui permettraient de dialoguer avec Kagamé. Certains observateurs en viennent à penser que, dans ces conditions, le principal obstacle à la paix n'est plus le Rwanda mais la RD Congo. Ce à quoi d'autres rétorquent que Laurent Nkunda n'aurait jamais pu se permettre de lancer son appel à l'insurrection sans l'aval de Kigali. Entre les deux voisins, la guerre des mots fait rage. Espérons qu'elle reste sous contrôle…









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