9/25/08

La formidable révolution annoncée par la fin des flux tendus

Par Laurent Laurent, blogueur, qui évoque les conséquences majeures de l'augmentation prévisible du prix des transports de marchandises. Il faudra désormais souvent attendre le produit désiré. Résultat: nos besoins seront examinés d'un oeil beaucoup plus attentif.



Wikimedia Commons
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Malgré quelques speakers en service commandé, les gens sérieux disent que le prix de l'énergie va sérieusement augmenter. Que ce soit par rareté, par malus à cause de l'effet de serre ou indirectement par l'incurie à se mettre à temps aux énergies renouvelables. Ah malheur ! Cela va faire mal.

Les transports de marchandises seront donc de plus en plus difficiles. Adieu les livraisons partout et en tout lieu, sans délai, en « 48 heures chrono ».

Et nous en subirons la double peine car l'augmentation de ce simple coût aura un effet amplificateur (l'effet toboggan) : la perte de confiance des clients, des marchés, une dépression, la fuite des responsabilités, donc des investissements. Bref, moins par moins donne moins (c'est la méthode anti-Coué). Ce qui rendra encore plus difficiles les transports de marchandises, sauf très localement, bien entendu.

Le XXIe siècle nouveau arrive. Les transporteurs auront tendance à regrouper les livraisons et attendre le remplissage des camions. Allongeant les délais, malgré quelque publicité trompeuse sur la rapidité. Ce qui fait qu'on aura moins besoin de véhicules. De petites compagnies de transport disparaîtront. Ainsi que celles qui sont gênées aux entournures. Le rail augmentera ses parts de marché, le fluvial de même, avec le manque de souplesse inhérent à leurs infrastructures, d'où stock encore.

Adieu flux tendu, toi qui écoules la production en continu par tes myriades de camions.

On devra refaire des stocks.

Mais patatras, maîtresse Économie interdit les stocks comme le mal de l'argent qui dort. Alors, avec de gros délais de livraison, nous irons droit vers des ruptures de stock. La chaîne d'approvisionnement va jouer l'accordéon. Il faudra attendre le produit, la machine ou l'appareil désiré, une semaine, un mois, trois mois. Sur un chantier, au bureau, pour des équipements, un projet ou chez soi pour l'objet de ses rêves. Psychologiquement, c'est éprouvant.

Il faudra donc désormais analyser et prévoir le besoin avec soin. Mieux vaut éviter les imprévus ajoutant de nouveaux délais (pour ceux que cela amuse, voilà l'application du principe d'Einsenberg à homme qui pose que le produit de l'analyse d'un projet avec sa réalisation est égal à une constante. Ou autrement dit : plus on réfléchit avant, plus la réalisation est facile. Plus on prévoit, moins on regrette.)

Mais il y a un phénomène sous-jacent : entre nous, les délais importants nous contraignant à pousser l'analyse du besoin, en y réfléchissant, aura-t-on besoin du besoin ? On se rendra compte, écologie aidant, de l'absence de besoin. Ce qui entraînera l'annulation de l'achat.

« On peut s'en passer »
Noter pour tous, l'économie d'énergie pour la planète et d'argent pour le consommateur. L'augmentation du pouvoir d'achat, dame, c'est aussi diminuer les achats. Nous chanterons peut-être : « besoin de rien, sans ma Harley Davidson ! »

Ce n'est pas tout. Reconnaissons qu'avec les flux tendus, nous avions un système fort stressant, comme son nom l'indique. Nerveusement, le moindre grain de sable pouvait conduire à l'arrêt de la grande chaîne de production.

Alors, si nous sommes à présent à l'aube du flux détendu, avec des stocks, sera-t-on déstressé ? Sans doute. Diminution de la peur de manquer. C'est aussi, de ci, de là, renouer avec des expériences connues du passé. Mais sans retour en arrière, nous ne revivrons pas le XIXe siècle. Nous retrouverons des expériences en les adaptant et les mélangeant au monde actuel. Comme le vélo qui paraissait dépassé a retrouvé une belle modernité.

Finie la fuite en avant vers le clash possible à tout moment que l'on pressent (que l'on constate ! à l'heure actuelle) avec les décideurs sans vergogne. Ce sera peut-être moins de pression chez les sous-traitants. Chez les transporteurs même, pour les chauffeurs, qui ne courront plus à la livraison. Il est vrai que beaucoup d'entre eux auront été licenciés…

Et, mon Dieu, pour diminuer la quantité de flux, donc de déplacements, il faudra relocaliser l'agriculture, les petites industries, les diverses fabrications, avec des matières premières locales. Relancer des filières oubliées. Ce sera peut-être moins cher.

Notons bien que le retour des stocks n'est pas forcément une mauvaise chose, écologiquement parlant. À condition d'être mesuré, c'est-à-dire de ne pas être obligé de construire des entrepôts immenses ou de dépenser sensiblement de l'énergie pour les simples entretiens de ces stocks, et à condition d'éviter le gaspillage, le stock en soi, n'est pas un surcroît d'énergie consommée, mais une simple immobilisation dans le temps du produit qui sera consommé en différé.

Allons plus loin. Lors des créations de stock, il faudra immobiliser de l'argent. Donc avoir des stocks d'argent. Ah oui. Adieu les quasi-cavaleries qui consistent à revendre un produit avant de l'avoir acheté. Et nécessite à la fois le flux tendu et les paiements à quatre vingt-dix jours à un petit niveau. Il faudra donc des trésoreries saines. Puis, disons-le, en finir avec le plus grand bordel financier qui s'écroule aujourd'hui parce que l'acheteur de l'acheteur de l'acheteur de titres n'a… euh… pas vraiment l'argent. Les flux sont tellement tendus que l'élastique casse. Avoir les reins solides, c'est avoir des stocks d'argent.

Adieu mon carrelage blanc 11 x 11 venant du Sri Lanka (véridique), mon vélo taïwanais, mes pommes du Chili, mon bois africain, adieu dumping…

En revanche, on pourra transporter ce qui ne demande pas d'énergie : la communication. Avec le monde entier. Ce n'est pas mal… Quoique, réfléchissons : même si le transport des données ne coûte pas grand chose en fonctionnement, a-t-on besoin d'un flux tendu d'information ? Mais non. Tout le monde met l'information en stock dans la boîte vocale de son téléphone portable et, pour « l'info » en continu, ne préférerions-nous pas voir ou entendre un journal d'information bien édité ? Mieux fait, avec de vraies analyses, quitte à l'avoir avec une heure ou deux de décalage et visible à tout moment sur internet, plutôt que de l'info bâclée en continu ?

Allons, flux, détendons-nous !
Dans ce tour d'horizon, à peine a-t-on oublié le transports des personnes. Ah, privilégiera-t-on les marchandises nécessaires à l'économie, ou bien le transport des personnes, les touristes ? Voici une question de société : les vacances seront-elles prioritaires sur les équipements ? Le premier mettant une journée à venir par avion, le second un mois par bateau. Suffira-t-il d'envoyer les touristes par bateau de croisière ?

Quel est le bilan carbone entre se dorer au soleil ou acheter un brunissoir ? L'avoir ou l'être ?
Voilà. Si nous sommes assez intelligent, tout va enfin bouger dans un grand retour en avant, encore plus complexe que par le passé. Là, il nous en faudra des stocks d'humanité, d'amitié et d'amour. Énorme.
Vous verrez, en l'an 2200, nous nous dirons : « comment n'y a-t-on pas pensé avant ? »






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Jean-Louis Kayitenkore
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