10/19/08

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

L'autre scandale financier: les banques ne savent plus compter!

Pour mieux comprendre la crise financière, Marianne2 interroge des économistes sur ses épisodes marquants. Aujourd'hui, Didier Marteau, professeur à l'ESCP-EAP et spécialiste des marchés d'options, décrypte ces normes comptables qui ont plongé dans la faillite des banques pourtant parfaitement solvables.



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Où est passé tout cet argent ? Sans crier gare, ensorcelés par la crise, les comptes des établissements financiers, pleins d'actions et de créances, se sont vidés de toute valeur. Certes la crise des subprimes a fait plonger des titres, rendus invendables… mais pas au point de voir sombrer les plus grandes banques et assurances occidentales dans l'abîme de la faillite ! A côté de la société de prise de participation de l'Etat et de la société de refinancement annoncées par Christine Lagarde, une mesure plus nébuleuse a été avancée sur l'obscure « norme comptable IFRS », responsable selon la ministre de l'Economie d'une grande partie des maux que connaît aujourd'hui la finance.

Comment des banques riches de milliards d'euros d'actions se sont-elles retrouvées en faillite du jour au lendemain ?

Didier Marteau, professeur à l'ESCP-EAP et chargé de cours en 3è cycle à l'Université Paris I Sorbonne et à Paris Dauphine.

Si les subprimes sont à l'origine de l'effondrement de beaucoup de valeurs, les normes comptables ont été la vraie raison de l'amplification et de la propagation de la crise. Pour calculer leurs résultats, toutes les banques du monde utilisent le même outil de calcul : la norme IFRS (International Financial Reporting Standards : références internationales de comptabilité financière). Selon cette norme, la valeur des créances dont une banque dispose dans son stock doit être calculée suivant le prix du marché. Si une banque dispose de 100 unités d'une créance et que le cours de cette créance sur le marché est de 10€, la banque devra déclarer 1.000€ de réserve.

Or, après les subprimes, les banques ont commencé à se méfier énormément les unes des autres. Cette crise de défiance a énormément réduit les échanges car tout le monde a eu peur de se voir vendre des produits pourris, des créances « contaminées » par la crise. Mais les banques avaient tout de même besoin de vendre et se sont mises à céder des valeurs de bonne qualité à des prix bien en dessous de leur valeur réelle. Sur les 100 unités de tout à l'heure, au lieu d'en vendre 90 par jour, la banque n'en vendait plus que 10 mais, au lieu de les vendre à 10€, elle les bradait à 3€, un prix «distressed» («cassé»).


Le problème qui s'est posé c'est que, pour calculer leur bilan, les banques ont dû appliquer le prix du marché - qu'elles avaient cassé pour pouvoir vendre - à leur stock d'actifs. Dans notre exemple, même si la banque n'a vendu que 10% de ses créances à 3€, elle doit appliquer ce prix à tout le reste de son stock pour déclarer son bilan. Du coup, au lieu d'avoir 90 unités à 10€ (leur prix normal), lui garantissant 900€ de réserve, elle doit comptabiliser ces 90 unités au prix cassé du marché 3€ et n'a donc plus que 270€ de réserve. Trois fois moins !

Au moment de faire leurs comptes, les banques ont donc dû déclarer des pertes considérables qui étaient simplement causées par la défiance des marchés qui les obligeaient à brader leurs actifs. Or, selon la réglementation Bâle II qui définit les critères de solvabilité d'une banque, une banque doit toujours disposer de réserves égales en valeur aux prêts qu'elle a émis, sans quoi elle est déclarée en faillite. Par conséquent, certaines banques qui disposaient de stock d'action largement suffisant mais qui ont vendu aux prix cassés du marché durant la crise ont été obligées de se déclarer en faillite.

Dans cette situation, où se trouvent de nombreuses banques européennes ou américaines, il y a trois possibilités.
1.Vendre d'autres actifs pour renflouer les caisses mais on multiplie ainsi le nombre de titres en circulation et on fait baisser leur valeur : le serpent se mort la queue.

2.Recapitaliser les banques. C'est ce qui a été décidé dans le cadre du plan européen par lequel les Etats ont racheté des parts des banques pour qu'elles disposent de fonds propres pour couvrir les emprunts émis.

3.Suspendre la norme comptable IFRS, ce qu'a également proposé Christine Lagarde.


L'autre scandale financier: les banques ne savent plus compter!
La troisième solution consiste à changer de référence : au lieu de calculer les fonds en se basant sur le prix du marché (mark to market), on fixe une valeur modèle qui sert de référence à toutes les banques dans le calcul de leur bilan (mark to model). Si on revient à notre banque de tout à l'heure, au lieu de compter les 90 unités qu'elle a en réserve à 3€, qui est le prix cassé du marché, on va établir une référence à 9€ pour comptabiliser ses fonds propres. Au lieu de se retrouver à déclarer 270€, la banque pourra déclarer 810€. Elle aura certes subi une forte perte mais cela pourra lui éviter de se déclarer en faillite alors que la valeur des actions qu'elle a en réserve ne s'est effondrée qu'à cause du climat de défiance.


Didier Marteau est membre de la Société d'économie politique. Il est l'auteur de Monnaie, Banque et Marchés Financiers paru en mars 2008 aux éditions Economica.

Vendredi 17 Octobre 2008 - 18:27
Propos recueillis par Sylvain Lapoix






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